Aurélien était un lycéen comme les autres. Les mêmes envies, les mêmes problèmes, les mêmes peines que tous les autres. Hormis le fait que partout il allait, il avait l'impression qu'il était là. Il, c'était Guillaume Tranchant. Où qu'il aille, l'autre lycéen semblait le savoir et s'y retrouver lui aussi comme par hasard. Ce dernier prenait un malin plaisir à le menacer et à le terroriser, le traitant de tous les noms et surtout de tapette, son insulte préférée. Aurélien ne savait pas vraiment pourquoi ce dernier continuait de l'appeler comme ça et au bout de quelques semaines, avait arrêté de lui répondre. Peut-être que Guillaume au final était au courant pour la fois où il avait embrassé un garçon en seconde, dans un coin un peu reculé de la cour. Après tout, ce dernier l'avait repoussé et avait très bien pu faire courir l'information avant de s'en aller à la fin de l'année. Une vérité qui devient rumeur.
Guillaume était ce qu'on appelle dans ce genre d'école, un élève populaire. Il était capitaine de l'équipe de foot et, grâce à ce prestigieux titre, partout où il allait, il pouvait s'assurer de ne jamais être seul. Comme le chef d'un clan loup, ces dernier le suivaient partout où il allait, fidèles à lui. Guillaume s'en foutait des cours, cultivait ce petit côté rebelle que tant de filles aiment lors de l'adolescence et ainsi, des dizaines de filles se pavanaient à ses pieds. Et Aurélien devait l'avouer, Guillaume était beau, alors bon, quoi de plus normal. Ce dernier était le cliché type de l'ado qui n'en fait qu'à sa tête et qui s'en sort toujours grâce à sa belle gueule ou à l'argent de papa. Mais ça, il ne savait pas. Il ne savait pas si Guillaume était riche ou non, ce dernier cachant bien son jeu.
Aurélien avait peu à peu laissé tombé l'idée de parler de ses problèmes aux adultes compétents travaillant dans l'enceinte du lycée. Et quand Guillaume s'en prenait à lui, en le poussant par exemple violemment contre un casier comme maintenant, avant de s'excuser en lui disant qu'il ne l'avait pas vu, Aurélien ne disait rien. Il attendait que ça passe. Comme toutes les choses de la vie, Guillaume Tranchant finirait par disparaître un jour. Et alors, à ce moment-là, il pourrait respirer à nouveau. Ne plus avoir peur d'aller au lycée le matin et réussir à sourire de nouveau, comme avant. Alors il se taisait et baissait les yeux au sol, attendant en silence que les insultes s'arrêtent et que Guillaume tourne les talons, suivi de son troupeau qui lui servaient d'amis.
« Alors tapette, t'oses même pas me regarder dans les yeux ? » entendit-il ce dernier dire dans un rire et Aurélien releva légèrement la tête afin de jeter un regard vers le plus vieux qui se tenait devant lui.
Celui-ci affichait un sourire machiavélique et quand leurs regards se croisèrent, il le vit plisser les yeux d'un air menaçant. Aurélien baissa aussitôt les yeux à nouveau, se doutant pertinemment bien que s'il osait le défier devant tous ses amies, Guillaume lui ferait regretter.
« C'est ça, je préfère ça, dit la voix dure du garçon devant lui. Apprends à rester à ta place et tout ira pour le mieux. »
Une seconde plus tard, il le sentit le pousser violemment en arrière et son dos percuta, encore une fois, les casiers derrière lui. Il entendit le rire de l'autre garçon, bientôt suivi de ceux de ses amis, et quelques secondes plus tard ceux-ci se firent moins forts jusqu'à s'arrêter complètement. Aurélien osa relever le visage et s'aperçut qu'ils étaient en effet partis. Il aperçut au loin Guillaume tourner à l'angle d'un couloir et soupira de soulagement. Ce n'était pas très grave après tout, il avait juste à se laisser faire et à se taire. Il avait plus important à s'occuper dans sa vie, comme sa grand-mère. Un voile de tristesse recouvrit ses yeux alors qu'il pensa à cette dernière et il secoua la tête comme pour se reprendre. Non, tout irait pour le mieux. Ils en avaient connu d'autres des obstacles tous les deux depuis qu'elle avait officiellement obtenu sa garde après la mort de ses parents. Aurélien passa rapidement une main sur ses vêtements avant de se diriger vers la sortie du lycée, essayant de chasser les idées noires qui essayaient de s'infiltrer dans son esprit.