Aurélien frissonna en voyant Guillaume se diriger tout droit vers les toilettes des garçons au premier étage. Il essaya de se défaire de son emprise faiblement mais Guillaume resserra ses doigts autour de son poignet et les larmes lui montèrent à nouveau aux yeux sous la douleur qu'il commençait à sentir et la peur qui s'immisçait petit à petit dans son cœur.
« Guillaume, je t'en prie... murmura-t-il d'une voix brisée, essayant à nouveau de se défaire de lui.
— Putain, mais pourquoi ?! s'écria Guillaume en le tirant derrière lui alors qu'il ouvrait la porte des toilettes et se dirigeait vers les lavabos.
— Guillaume, tu me fais mal... dit-il faiblement dans un sanglot.
— Pourquoi t'es là, putain ?! Pourquoi t'es venu ?! »
Le basané se retourna vers lui brusquement et devant l'aura de colère pure qui émanait de lui, Aurélien éclata en sanglots. Guillaume le lâcha alors mais malgré ça Aurélien sentit un poids continuer de comprimer sa cage thoracique douloureusement.
« Aurél, Aurél... Je suis désolé, putain... s'exclama le plus vieux et en entrouvrant les yeux il le vit hésiter à le toucher, les mains devant son torse, un air affolé sur le visage. Je suis désolé, ne pleure pas, s'il-te-plaît... le supplia Guillaume.
— Tu me fais peur... avoua Aurélien en secouant la tête et en se reculant d'un pas, mais son dos percuta presque aussitôt les lavabos derrière lui. Tu me... fais peur...
— Je suis désolé, Orel... Je ne voulais pas te faire peur... lui dit Guillaume en le balayant du regard, comme s'il cherchait ce qu'il pouvait faire pour le rassurer, n'osant toujours faire le moindre geste envers sa personne. J'avais promis de ne plus te toucher, putain... dit-il plus à lui-même qu'au plus jeune. De ne plus te faire de mal... Pourquoi il a fallu que tu interviennes, hein, Orel ? Pourquoi tu ne m'as pas laissé me débrouiller tout seul ? Je voulais pas que tu te retrouves mêlé à ça. »
Aurélien se calma en voyant le plus vieux se mettre à paniquer et se prendre soudainement la tête entre les mains.
« Guillaume...
— Pourquoi ? Pourquoi tu es intervenu dans cette bagarre ? s'exclama Guillaume en empoignant ses cheveux et en le voyant paniquer ainsi, Aurélien s'approcha rapidement de lui pour l'empêcher de se faire du mal.
— Mais parce que tu étais en train de te faire défoncer ! s'écria-t-il en agrippant les mains de Guillaume dans les siennes, priant pour que celui-ci ne le repousse pas. Pourquoi...? demanda-t-il plus doucement cette fois en croisant le regard surpris de Guillaume. Pourquoi tu n'as même pas cherché à te défendre ? »
Guillaume ne dit rien pendant un instant, semblant chercher ses mots et les yeux plongés dans les siens, avant que celui-ci ne ferme alors les yeux d'un air résigné.
« Parce que c'est mes potes, Orel. Je n'ai pas envie de les blesser.
— Mais eux... enfin, Victor, se reprit Aurélien en lâchant une des mains de Guillaume pour venir effleurer son visage blessé sans oser poser sa main sur ce dernier. Victor, lui, ne s'est pas dérangé pour ça. Regarde dans quel état il t'a mis, dit-il en sentant sa gorge se nouer devant la vision qui s'offrait à lui.
— C'est rien ça, j'ai connu pire avec mon père, dit le basané en esquissant un petit sourire moqueur.
— Guillaume, ça ne me fait pas rire, dit-il d'une voix sérieuse alors qu'une unique larme se mit à couler sur sa joue.
— Je suis désolé. »
Sa main était toujours en suspens près du visage du plus vieux sans oser le toucher, de peur de lui faire mal à cause de ses blessures, quand il sentit Guillaume poser sa main avec toute la douceur du monde sur son visage. Il le sentit écraser avec une infinie tendresse la larme qui avait coulé le long de sa joue et son cœur rata un battement au geste inattendu.
« Pourquoi... tu pleures ? demanda Guillaume en fronçant les sourcils et Aurélien le vit esquisser une petite grimace de douleur.
— Parce que j'ai eu peur pour toi, répondit Aurélien aussitôt comme si c'était la chose la plus naturelle au monde.
— Mais pourquoi...? Tu devrais plutôt être content que je me fasse casser la gueule après tout ce que je t'ai fait subir...
— Ne dis pas ça, dit Aurélien précipitamment en secouant la tête. Je ne pourrais jamais me réjouir de la douleur de quelqu'un. Même pas de la tienne. »
Surtout pas la tienne, pensa-t-il aussitôt, comme un écho, et il se figea, se demandant ce que son cerveau voulait lui faire passer comme message. Il se rendit soudain compte de la promiscuité entre leurs deux corps, Guillaume étant pratiquement collé contre lui et lui étant appuyé contre les lavabos. Il vit le regard de Guillaume s'attarder un instant sur ses lèvres et il sentit alors ses joues le brûler à ce regard déplacé venant de l'autre garçon. La main du plus vieux était toujours sur sa joue et il eut soudain l'impression que ses doigts caressaient fébrilement sa peau. Aurélien sentit alors son cœur s'emballer dans sa poitrine alors qu'il se retrouvait dans l'incapacité de réfléchir, dépourvu tout à coup de toutes pensées logiques. Pour la énième fois dans sa vie, il se retrouvait complètement à la merci du plus vieux. Mais cette fois-ci, ce n'était pas la peur qui le paralysait sur place. C'était un tout autre sentiment sur lequel il n'arrivait pas à mettre le doigt.