Quand Aurélien sortit de la cafeteria le lendemain midi accompagné de ses deux nouveau amis, son regard se posa sur un petit attroupement au milieu de la cour. Il s'avança vers celui-ci précautionneusement, suivit par Emma et Arthur, et se hissa sur la pointe despieds afin de voir ce qu'il se passait. Ses yeux s'écarquillèrent en apercevant Guillaume en train de se battre avec Victor, entouré par leurs amis qui semblaient hébétés de les voir se battre. Enfin, se battre. De là où il se tenait, Aurélien avait plus l'impression que Victor tentait de frapper Guillaume et que celui-ci se contentait de se défendre sans rien faire de plus. Il se fraya alors un chemin à travers la foule entourant les deux garçons et entendit Arthur crier son prénom afin de lui dire de ne pas se rapprocher. Il sentait son cœur battre à cent à l'heure et se demanda pourquoi Guillaume ne se défendait pas face à l'autre garçon, les larmes lui montant presque aux yeux. Il avait peur, se rendit-il compte. Il avait vraiment peur pour Guillaume, peur qu'il ne lui arrive quelque chose. Il réussit enfin à atteindre la première ligne et quelqu'un lui donna un coup de coude pour qu'il se décale, ce qui le poussa un peu trop au milieu du cercle. Son regard accrocha alors celui de Guillaume au sol et il détailla son visage blessé. Son nez était en sang et sa lèvre était ouverte, laissant couler un léger filet de sang sur son menton, et Aurélien frissonna à cette vision.
« Aurél... dit le basané en fronçant les sourcils dans le but de lui dire quelque chose mais il fut coupé par Victor qui se mit à rire.
— Qu'est-ce que tu fous là, toi ? lui cracha Victor, le faisant violemment sursauter. T'es venu prendre ta raclée toi aussi ?
— Victor, t'as pas intérêt... commença Guillaume en se relevant.
— Pas intérêt à faire quoi, Guillaume ? Je croyais que si jamais je touchais Aurélien, je le regretterai ou je ne sais pas quoi ? C'est pas ce que tu m'as dit ?
— Si, c'est bien ça, dit Guillaume d'une voix grave en se redressant tout à fait.
— Je ne comprends pas bien ton obsession avec ce minable, dit Victor et Aurélien sentit son cœur se serrer en l'entendant parler de lui ainsi. Un jour, tu ne vis que pour le tabasser et l'autre, tu lui voues un amour éternel.
— Je ne l'ai jamais tabassé, rétorqua le plus vieux en serrant ses mains en poings.
— Ah oui, c'est vrai que humilier et menacer c'est mieux, c'est ça ? »
Aurélien sentit tous les yeux sur lui et vit Guillaume serrer ses mains encore plus fort en poings. Il avait peur de comment le plus vieux allait réagir sous toutes ces accusations. Il avait envie de le rassurer, de lui dire qu'il ne lui en voulait pas, mais il ne savait pas comment faire. Alors il se rapprocha lentement de lui, une main en avant comme pour s'approcher d'une bête sauvage dont on aurait peur qu'elle nous saute soudainement dessus pour nous mettre en morceaux.
« Guillaume...
— Ferme-là, lui cria Victor en se rapprochant soudain de lui. C'est quoi que tu comprends pas ? Tout est de sa faute, c'est à cause de lui qu'on aime tant s'en prendre à toi, nous aussi. Et il le sait, il ne peut pas le nier. Comment est-ce que tu peux accepter tout ça sans te révolter ? T'es vraiment qu'une tapette, un minable, un– »
Aurélien avait reculé en entendant Victor s'adresser à lui avec tant de véhémence. Les larmes lui étaient montées aux yeux devant tant de cruauté et il avait peur de ne pas pouvoir se retenir de pleurer tellement son cœur lui faisait mal. Il entendait Arthur crier son prénom à travers la foule et il fut pris d'une terreur panique en voyant l'autre garçon s'approcher rapidement de lui en lui crachant toutes ces horreurs. C'est alors qu'il vit du coin de l'œil Guillaume se mettre en mouvement afin de se placer devant lui et l'instant d'après il le vit donner un coup de poing à Victor. Ce dernier chancela un instant, ses derniers mots perdus au monde, et il battit en retraite en rejoignant les autres sportifs.
« Putain de merde ! Mais t'es malade ! s'écria ce dernier dans un cri de douleur.
— Je t'avais dit de pas t'en prendre à lui, Victor. »
Victor sembla hésiter à revenir dans le ring formé par les élèves, une main sur la mâchoire et ses amis qui le regardaient d'un air paniqué. Guillaume lui lança un regard noir et s'adressa à ses amis d'une voix sèche :
« Qui veut se battre maintenant ? Personne ? Allez, je vous attends. Je ne veux pas me battre avec vous mais si vous le demandez, ou si vous voulez vous en prendre à lui, dit-il en désignant Aurélien d'un signe de tête, je vous attends. Personne, vous êtes sûrs ? cria-t-il lorsque aucun de ses amis ne fit le moindre geste pour venir se mesurer à lui, ceux-ci le regardant d'un air effrayé. Bande de lâches, vous ne valez pas mieux que moi en fait. »
Il se tourna alors et attrapa Aurélien par le poignet avant de se diriger vers une partie de la foule afin de sortir du cercle. Celle-ci se divisa bien vite, les laissant passer, et Aurélien se laissa faire. Il regardait la silhouette de dos du plus vieux qui marchait d'un air assuré et se demanda où c'est qu'il pouvait bien l'emmener.