Partie 3.

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Ça va aller, mamie ?

Aurélien regardait la porte d'entrée fermée de la maison d'Emma, n'osant pas sonner. Est-ce qu'il avait bien fait de venir ? Il s'était assuré que sa grand-mère avait tout ce dont elle avait besoin avant de partir à la fête, et maintenant il se demandait ce qu'il faisait là. Il n'était pas habitué à être invité à des fêtes, encore moins des fêtes auxquelles seraient présent les élèves les plus populaires du lycée : les sportifs. Il craignait de croiser Guillaume et que sa seule présence à cette fête ne le fasse le détester encore plus. Il n'avait vraiment pas besoin de ça. Il allait tourner les talons et refaire le chemin en sens inverse lorsque la porte s'ouvrît sur Emma, déjà bien éméchée.

« Ah Aurélien ! T'es venu finalement !

— Ah, je... Euh... Oui... bafouilla Aurélien, pris au dépourvu alors qu'il avait été sur le point de s'enfuir quelques secondes à peine plus tôt.

— Pourquoi tu bégayes ? rit Emma en attrapant soudainement sa main dans la sienne. Allez, entre ! J'étais venu ouvrir à Thomas et Lucie mais apparemment ils sont pas encore là, oups...! »

Aurélien se laissa faire, Emma l'entraînant à l'intérieur de la maison alors qu'elle continuait de rire doucement. Elle est déjà joyeuse alors que la fête vient à peine de commencer... pensa Aurélien furtivement avant de balayer cette pensée. Qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? C'était sa soirée après tout. Et pour une fois, il ferait de même. Ce soir, il voulait agir comme n'importe quel autre adolescent de son lycée. S'amuser, arrêter de se prendre la tête pour essayer de faire plaisir à tout le monde, oublier sa vie pourrie... Il avait envie de passer une bonne soirée, parce que le lendemain, le merdier qu'était sa vie reprendrait.

***

Aurélien se passa une main sur le visage, la fatigue présente dans chacun de ses mouvements. La fatigue, et l'alcool. Il était arraché. Il n'avait pas bu tant que ça en fait mais il fallait croire qu'il ne tenait pas bien l'alcool. En même temps, ce n'était pas comme si c'était un domaine dans lequel il avait beaucoup d'entraînement. Et puis, quand une partie des sportifs étaient arrivés à la fête, il s'était mis à boire de plus belle afin d'empêcher son esprit terrorisé de réfléchir plus que de raison et de se retenir de prendre ses jambes à son cou. L'alcool avait un instant brûlé le sang dans ses veines, lui donnant un semblant de courage et il avait prié le destin pour ne pas croiser Guillaume. Et par chance, il n'avait pas vu ce dernier de la soirée. Bien sûr, ce n'était pas le seul à lui faire la misère au lycée mais c'était celui qui s'en prenait le plus souvent à lui et qui le terrorisait le plus. Alors Aurélien s'était tenu à distance de ses amis et avait participé à quelques discussions de-ci, de-là.

Il était à présent dans une chambre, celle des parents d'Emma ou bien peut-être d'un de ses frères partis à l'université — il se rappelait avoir parlé de ça furtivement avec elle durant la soirée. Il se laissa choir de tout son long sur le matelas, les yeux se fermant de fatigue. Il avait envie de s'endormir, là tout de suite, mais il savait qu'il ne le pouvait pas. Il devait rentrer chez lui, afin de ne pas inquiéter sa grand-mère. Il lui avait promis de ne pas trop boire et de faire attention... Il exhala un petit rire désabusé. Depuis quand faisait-il aussi pitié ? Depuis quand était-il devenu ce garçon qui se laissait faire sans rien dire ? Depuis quand était-il aussi perdu ? Il pensa à la mort de ses parents, provoquée par un accident il y a près d'une dizaine d'années maintenant. Soudain il se sentit faiblir et les larmes lui montèrent aux yeux. Non, ce n'était pas ça. Ce n'était pas seulement à cause de ça. Il n'arrivait presque plus à se souvenir du visage de ses parents, celui-ci disparaissant de jour en jour un peu plus de sa mémoire. Il pensa à sa grand-mère qui était devenue de plus en plus fragile avec les années, alors qu'elle était seule à s'occuper de lui, jusqu'au mois dernier où elle avait fait une mauvaise chute dans les escalier en perdant soudainement l'équilibre. Et maintenant, celle-ci restait allongée dans son lit et il essayait de s'occuper d'elle à son tour, refusant de la mettre dans une maison de retraite, elle, sa seule famille. Il pensa aux sportifs qui s'en prenaient à lui tous les jours au lycée et plus principalement Guillaume. Pourquoi se laissait-il faire ? À quel moment avait-il laissé tombé l'idée  de leur tenir tête ? Une larme roula le long de sa joue, s'échappant de ses paupières trop pleines alors qu'il pensait à Guillaume. Pourquoi ce dernier s'en prenait-il à lui, jour après jour ? Est-ce que c'était par plaisir personnel ? Est-ce qu'il était le seul ou bien s'en prenait-il aussi à d'autres élèves du lycée ? Est-ce qu'il éprouvait une certaine satisfaction à l'humilier et à lui montrer qu'il était supérieur à lui en tout point ? Vraiment, ce n'était pas nécessaire d'en arriver jusqu'ici pour que je le comprennes, pensa-t-il en sentant son cœur se serrer dans sa poitrine. Je sais bien que tu es supérieur en tout à moi.

***

Il sursauta en entendant la porte de la chambre s'ouvrir soudainement et il se releva aussi rapidement qu'il le pouvait dans son état par-dessus les draps du lit. Il essuya ses joues prestement d'une main et plissa les yeux afin d'essayer de reconnaître à qui appartenait la silhouette qui se tenait dans l'embrasure de la porte, immobile. Malheureusement, sa vision était floue à cause de l'alcool et la faible lumière provenant de la lampe de chevet à ses côtés ne suffisait pas à améliorer sa perception de l'autre personne.

« Qui... Qui est là ? » demanda-t-il d'une petite voix hésitante.

Il lui sembla que la silhouette esquissa un sourire à sa question et celle-ci s'approcha alors de lui. Aurélien sentit son cœur rater un battement en apercevant la veste bleue que portait l'autre personne, y reconnaissant le symbole de l'équipe de football de son lycée, et il recula sur le lit.

« G-Guillaume... Est-ce que c'est toi...? »

Il entendit un rire clair s'échapper des lèvres du garçon en face de lui qui se rapprochait de plus en plus de lui et il écarquilla les yeux en voyant ce dernier monter à son tour sur le lit à genoux.

« Shhh... »

Aurélien se mit à paniquer en sentant des doigts se poser sur sa peau et bientôt il sentit la main du garçon inconnu entourer son cou.

« G-Guillaume...?

— Oui, c'est Guillaume, dit fermement la voix dans un murmure en resserrant sa main sur son cou et bientôt il sentit son autre main se poser sur sa bouche pour l'empêcher de parler. Tais-toi maintenant. »

Les larmes lui montèrent aux yeux alors qu'il sentait sa respiration se bloquer dans sa gorge. Il avait du mal à respirer, l'air peinant à passer à travers ses narines seules et la panique montant dangereusement en lui. Il essaya de se débattre et de repousser son agresseur avant que celui-ci ne le gifle violemment, le laissant stupéfait de la violence de ce geste. Il voulait s'enfuir mais il n'arrivait plus à commander ni ses jambes ni ses bras, et son cerveau semblait complètement paralysé par la peur qu'il ressentait au fond de lui. Il sentait les mains baladeuses de son assaillant sur son corps et ses larmes se remirent à couler alors qu'il n'avait pas d'autres choix que de se laisser faire et d'attendre que tout cela finisse. Il finit par s'évanouir, son propre corps incapable de supporter cette douleur sans pouvoir agir pour y mettre fin. 

Fiction OrelxGringe - Une seule raison.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant