Le mur rouge

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"Aujourd'hui la caissière n'était pas très avenante. Je n'étais pas très rapide non plus c'est vrai, mais elle aurait pu être un peu plus patiente, plutôt que de me fixer de son regard bovin en me pressant de mettre mes articles dans mon sac. 


Je me suis brûlé à la main en essayant de sortir mon assiette du micro-ondes. Ça fait un mal de chien mais ça va, j'ai vécu pire.  

Le temps est exécrable dehors. Pourtant, il y a un homme qui m'observe de derrière ma fenêtre. Celle dans le mur rouge. Cet homme, je l'ai aperçu il y a un petit moment déjà, et à chaque fois que je passe devant la vitre, il est là, à me suivre. Je n'ose pas m'approcher. Même s'il reste la plupart du temps sans bouger et qu'il n'a jamais tenté d'entrer, il me fait peur. Je ne l'ai pas vu clairement mais je suis persuadé que c'est une sale race. Si c'est un nègre ou un bicot et qu'il essaie quoi que ce soit, il sera bien reçu. 

Depuis plusieurs jours il ne bouge pas. Quand je me plante devant la fenêtre du mur rouge, il me toise. Il reste là, ses yeux plantés dans les miens. Je distingue très mal son visage. En fait, je distingue très mal tout ce qui m'entoure depuis que j'ai cassé le verre droit de mes lunettes. Il faudra que je les répare.

Cette nuit je l'ai entendu. Je me suis levé pour aller aux toilettes et je suis passé devant la fenêtre. Je l'ai vu, et il m'a vu aussi. Je lui ai crié de dégager d'ici. Il m'a répondu la même chose, avec ma voix. Il a parlé avec ma voix. En fait, c'est comme si il prévoyait à l'avance tout ce que j'allais dire et qu'il le répétait presque aussitôt. 

J'arrive à l'éviter. Selon l'angle dans lequel je me positionne devant la fenêtre, il s'en va. Je crois que quand il ne me voit plus, il part. Et il revient dès que je repasse devant la fenêtre. Je suis peut-être un spectacle pour lui. Un bien triste spectacle.

Il parle avec ma voix mais il semble avoir d'autres facultés. Quand je me suis levé ce matin, il était déjà là. Je lui ai fait un signe de la main pour lui dire de partir, que c'en était assez pour moi. Il m'a renvoyé mon geste, presque en même temps. J'ai levé le bras, il l'a levé aussi. Je me suis penché en avant, il s'est penché en avant également. Il a pris ma voix et il commence à m'imiter à la perfection, au millième de seconde près. J'ai peur qu'il essaie de me remplacer. C'est ça. Il est venu m'observer, puis petit à petit il me remplace. J'ai fait mes bagages. Et il me regardait toujours, imitant mes gestes.

 Je sais qu'il neige dehors et que Mme Verdin ne veut pas que je sorte sans elle mais elle n'est pas levée et je ne veux pas rester ici. Pas avec cette chose qui m'observe derrière la fenêtre, dans le mur rouge."

Mon grand-père Charles, est mort il y a quelques mois à l'âge de 86 ans. Il souffrait de pertes de mémoire légères, mais il était assez loin de l'Alzheimer. Son médecin lui avait conseillé de consigner ses journées dans un carnet, c'était une bonne thérapie selon lui pour remédier aux oublis passagers. Son état s'était cependant dégradé ces derniers temps, et ses propos étaient parfois incohérents. 

Ce que vous avez lu plus haut, ce sont les dernières entrées de son petit carnet. J'ai tout retranscrit au mot près. À ce stade-là, je pense qu'il est important que je vous dise comment est mort mon grand père. Ce matin-là, c'est sa concierge, Mme Verdin, qui l'a retrouvé mort, le crâne ouvert près d'une plaque de verglas à l'entrée de son immeuble.

L'appartement dans lequel vivait mon grand-père Charles n'était pas très grand. Il avait surtout la spécificité d'être en sous-sol. Il n'y avait donc aucune fenêtre, et les murs étaient vierges. À l'exception du mur rouge, sur lequel était fixé un miroir.

Creepypasta et histoire horrifiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant