Ubloo - Chapitre 6

12 0 0
                                    

Depuis que je fais partie des forces de police, j'ai escorté pas mal de criminels. Du petit voleur de rue en passant par l'ivrogne, jusqu'au suspect de tentative de meurtre. J'ai ainsi appris qu'il existe deux sortes de personnes : celles qui restent silencieuses à l'arrière de la voiture de police, et celles qui sont bruyantes.

Si vous êtes du genre bruyant, vous pouvez aussi bien directement avouer votre crime. On a un dicton dans la police : « c'est la poule qui chante qui a pondu l’œuf ». Et cela s'avère plus vrai que ce que vous pouvez penser. Pour ceux qui gardent le silence, c'est une autre histoire. La plupart du temps, ils sont innocents, mais parfois, vraiment peu souvent, ce sont les plus dangereux.

J'ai jeté un coup d'œil furtif dans le rétroviseur, avisant le vieil homme assis derrière, les mains sur les genoux. Il avait le regard vissé sur la fenêtre, et semblait regarder sans conviction les maisons qui défilaient, tandis que nous nous approchions du poste de police. Il était venu sereinement, presque de son plein gré, même si je n'attendais pas spécialement de résistance. Pourtant, je ne pouvais me défaire de la sensation que quelque chose n'allait pas dans cette première interaction.

Après un long moment de silence embarrassant, il m'a finalement demandé si j'étais la personne en charge de l'enquête sur la mort de Thomas Abian. Je lui ai alors répondu que c'était bien le cas, puis lui ai demandé s'il le connaissait. Il m'a appris qu'il l'avait brièvement rencontré il y a un certain temps, et qu'ils étaient depuis restés en contact. Je lui ai alors demandé s'il voulait bien venir au poste pour répondre à quelques questions, ce qu'il a accepté, et voilà comment nous en sommes arrivés là.

Cependant, la manière dont il avait regardé le journal et dont ses yeux s'étaient écarquillés lorsqu'il avait vu mon nom inscrit sur mon badge... J'ai secoué la tête. Je devais me faire des idées. Peut-être était-ce le manque de sommeil, mais j'avais l'impression que mon instinct n'était pas aussi aiguisé que d'habitude.

Nous sommes finalement arrivés au poste de police, et je l'ai fait traverser l'accueil et les bureaux qui où l'on sentait encore faiblement l'odeur du café brûlé de Bill, avant de finalement arriver dans la salle d'interrogatoire, où nous allions pouvoir discuter en privé.

« Si vous voulez bien vous installer... » ai-je dit en tirant une chaise à un bout de la table tandis que je la contournais.

« Avec plaisir, Monsieur » répondit-il en s'asseyant, lâchant un soupir tout en se laissant tomber sur sa chaise. Il devait être plus vieux qu'il n'en avait l'air.

Je me suis assis en face de lui et ai posé le journal à ma droite. J'ai alors sorti un stylo et un bloc-notes, avant d'ouvrir ce dernier à une page vierge.

« Très bien, commencez par me donner votre nom, et un papier d'identité en attestant la véracité, comme votre permis de conduire, si vous l'avez.

– Bien sûr, a répondu le vieillard, cherchant dans la poche arrière de son pantalon. Je m'appelle Eli Jacobs. »

Il a saisi son portefeuille et en a alors sorti son permis de conduire, qu'il m'a fait glisser sur la table. J'ai commencé à recopier les informations sur mon bloc-notes.

« Très bien, merci. L'adresse marquée est à jour ?

– Oui monsieur, elle l'est. »

Pendant que j'inscrivais son adresse sur mon bloc-notes, mon regard s'est redirigé vers lui.

« Natchez, dans le Mississippi, hein ? Vous êtes bien loin de chez vous.

– Oui monsieur, j'y ai acheté une belle petite ferme. Je suis à la retraite désormais, mais il fut un temps où j'étais professeur d'histoire africaine à Northwestern. Après tous ces longs hiver glaciaux et ces accablants étés bruyants propres aux grandes villes, j'ai fini par décider qu'il me fallait un endroit chaud et calme, et c'est tombé sur Natchez.

Creepypasta et histoire horrifiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant