Le berger

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J'ai eu mes petits agneaux alors qu'ils n'avaient que quelques mois. Trois mâles et une femelle. C'est avec un peu de honte que je dois avouer qu'ils n'étaient pas à moi normalement. Je les avais volés lors de vacances que je passais dans le sud, très loin de chez moi donc. Heureusement que j'étais venu avec la caravane, sinon il aurait été difficile de les ramener à la maison. Il fait très froid là où j'habite, alors j'avais peur qu'ils ne succombent rapidement à cause du climat régional, qui monte rarement au-dessus de 15°C. Je les ai donc installés dans la grange, dans laquelle j'avais préalablement préparé un bel enclos. Au début, je leur donnais le biberon. Qu'ils étaient adorables à téter comme des affamés. Mais ça grandit vite ces petites bêtes, trop à mon goût, ah ah.


C'est lors de la quatrième année que l'un des mâles est tombé malade. J'ai tout tenté pour le sauver, mais j'ai dû me rendre à l'évidence : le pauvre était condamné. Je l'ai donc conduit dans la cour, puis je l'ai attaché solidement et, finalement, j'ai écrasé une grosse pierre sur son crâne. Il a remué pendant quelques instants, avant de pousser son dernier souffle. Comme j'ai horreur du gâchis, je l'ai fait rôtir pour tuer l'infection bactérienne, et je l'ai mangé. Il était très savoureux, mais ça m'a quand même fait de la peine. Je crois me souvenir que j'ai versé une larme. 

De longues années se sont écoulées sans autre incident. C'étaient de belles bêtes. Elles ne donnaient pas beaucoup de laine, mais chaque été, je leur passais un petit coup de tondeuse, histoire qu'elles n'aient pas trop chaud. Je dois dire que j'étais heureux durant cette période. Mais le bonheur ne dure jamais éternellement, n'est-ce pas ? 

Sûrement à cause des hormones, les deux mâles restants ont commencé à régulièrement se battre. J'ai dû acheter une clôture de barbelés pour les séparer, mais ça n'a pas suffit. Un matin, je suis entré dans la grange et une odeur métallique m'a immédiatement agressé les narines. Un des mâles gisait là, baignant dans son sang, éventré. Ça m'a beaucoup peiné. Pourtant, le vrai drame s'est produit lors de la nuit suivante. 

J'ai été brusquement tiré de mon sommeil par des hurlements déchirants. Heureusement que nous vivions en marge du village, car si nous avions eu des voisins, j'aurais sûrement été arrêté pour tapage nocturne ! Je suis descendu en quatrième vitesse pour voir ce qu'il se passait. Lorsque j'ai pénétré dans le bâtiment, j'ai rapidement compris la situation : le mâle tentait un accouplement, ce qui n'avait pas l'air de plaire du tout à la petite femelle. Elle beuglait et se ruait dans tous les sens. Si bien qu'elle est tombée dans les barbelés. La pauvre devait souffrir le martyre mais plus elle se débattait, plus elle s'enchevêtrait dans les fils coupants.

Elle est morte au petit matin, des suites de ses blessures. Je n'ai pas pu me résoudre à la manger. Je l'ai enterrée dans le champ, derrière la maison. Ensuite je suis retourné à la grange et j'ai égorgé la dernière bête. Ce genre d'animal, quand il est esseulé, devient rapidement fou et je voulais lui éviter cette souffrance. Après ça, j'ai décidé de ne plus jamais avoir d'animaux.

Voici les aveux d'Antoine-Côme Sardin, révélés avec une autorisation des autorités à deux jeunes scénaristes, dans le cadre de son biopic intitulé "Le Berger", actuellement en préproduction. L'homme purge actuellement une peine de réclusion criminelle à vie, après avoir été reconnu coupable d'enlèvements, séquestration et multiples homicides, à la suite de la découverte du corps de Lisa Mayrond, jeune fille de quatorze ans, disparue depuis l'âge de dix-sept mois, retrouvé en bordure de la propriété dudit condamné. Bien que l'un d'eux ait probablement été dévoré selon les dires du kidnappeur, les corps de Michaël Letel, Thomas Michon et de Marius Wazcilek n'ont pour l'heure pas été retrouvés. 

Creepypasta et histoire horrifiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant