La légende du masque rouge

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Dans ma famille, on a toujours été attirés par la mer. Cette attirance dépasse de loin le simple intérêt, c’est une vraie passion, une vocation familiale. Vous l’aurez compris, nous sommes des marins. Une profession qu’on hérite de génération en génération. Mes parents sont pêcheurs. Ma sœur, elle, s’est engagée dans la Marine Nationale. Quant à moi, je poursuis mes études afin d’intégrer la marine marchande.

Une nuit, j’étais seul avec mon père à bord de son bateau, nous avions décidé de passer une soirée entre père et fils en pleine mer. Nous avions un peu bu, beaucoup rigolé et nous comptions finalement rentrer chez nous. Mais, lorsque nous nous apprêtions à enfin partir, quelque chose dans la mer attira mon attention. Au début, j’avais du mal à distinguer ce que c’était, mais en me concentrant un peu, je remarquai qu’il s’agissait d’un bâtiment (un navire, pour les non-initiés). Jusque-là, il n’y a rien d’anormal à croiser des bateaux en mer, me direz-vous. Mais ici, le bateau en question disposait de trois grands mâts. En fait, je n’avais aucun doute sur le fait qu’il s’agissait d’une frégate, elle disposait en effet d’une rangée de canons que je pouvais maintenant parfaitement observer. Autre fait troublant, hormis celui qu’un navire de guerre d’un autre temps se trouvait devant mes yeux, une fumée épaisse émanait de la frégate, et j’avais l’étrange pressentiment qu’elle brûlait.

Devant cette scène effrayante, je me retournai vers mon père et l’interpellai. Je lui demandai ainsi de regarder dans la direction où se trouvait le bateau. Il regarda attentivement vers celle-ci, avant de me fixer droit dans les yeux en me rétorquant que j’avais trop bu. Croyez-le ou non, mais la frégate avait disparu. J’étais pourtant certain de ce que j’avais vu, et ce n’était pas l’alcool qui me faisait halluciner. Je lui ai alors décrit ce que j’avais vu au risque de passer pour un fou : un navire de plusieurs siècles qui brûlait.

Son sourire s’est vite effacé, il s’est ensuite assis et m’a invité à le rejoindre. Il m’a expliqué qu’une légende se transmettait de père en fils, de marin en marin : la légende du Masque Rouge. Lorsqu’il m’annonça ça, je laissai transparaître un léger sourire, mais lui paraissait très sérieux. Mon père est un très mauvais menteur, s’il m’avait menti, je l’aurais immédiatement su.

De ce que je compris, un de mes ancêtres aurait fait partie de l’équipage de Pierre Egron, un pirate aux multiples pseudonymes qui aurait sévi dans les Antilles. Pierre Egron, au premier abord, n’était pas destiné à une carrière en tant que pirate. Il était connu comme un homme bon et généreux. On dit qu’il tenait dans sa jeunesse une taverne qui avait rencontré un fort succès, il y avait alors engagé ses deux filles et sa femme pour le service. Mais durant l’une de ses absences, la taverne fut incendiée et la famille Egron retrouvée calcinée. À partir de ce jour, Pierre sombra dans la folie et plus personne n'eut de ses nouvelles.

Quelques années plus tard, dans les eaux antillaises, une certaine frégate fut repérée. Le nom des bâtiments étant indiqué sur le flanc de la coque, celui de ce navire a donc rapidement été identifié : Le Purgatoire. Le Purgatoire et son équipage avaient terrassé plusieurs navires marchands. Le plus inquiétant résidait dans l'équipage, que des rumeurs décrivaient comme monstrueux, mené d'une main de fer par un capitaine portant un intriguant masque rouge. Un simple masque rouge laissant uniquement visibles ses yeux et dissimulant ainsi son nez et sa bouche, lui donnant le surnom de Masque Rouge. Les capitaines souhaitant garder l'anonymat étaient vraiment rares, surtout dans ces temps.

Évidemment, à cette époque la piraterie était courante, mais ce cas-là était un peu plus spécial. Ici, les hommes de Masque Rouge avaient réitéré un même schéma à de nombreuses reprises : après avoir abordé le bateau ciblé et avoir pillé toutes ses richesses, ces derniers décimaient l’ensemble de l’équipage adverse. Tout l’équipage ? Non, car en réalité, d'autres rumeurs circulaient dans les ports. D’après elles, l’équipage du Purgatoire laisserait un choix à une unique personne dans chaque équipage vaincu.

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