ANNA - Partie I : Chapitre 6 - Accords commerciaux

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Accords commerciaux

« Mille-deux cent cinquante Lullois ! Mille deux cent cinquante ?! Tu te fous de ma gueule ?! »

Scham eut un mouvement de recul :

« Oui Drojean, je sais que c'est une somme assez conséquente, mais... »

« Assez conséquente ? Tu te rends compte à quel point je t'ai fait confiance, tu me dois déjà mille cinq cent pour ton dernier voyage, et tu reviens me supplier pour mille deux cent cinquante de plus ? Et tu crois que je vais te faire crédit cette fois ?! »

Anna se demandait comment Scham arrivait à rester aussi calme ; elle-même était totalement paniquée par la voix tonitruante de cet homme.

« Je sais Drojean, je sais... mais là ce n'est pas pareil, d'accord ? Une fois en Aeroth j'aurais de la marchandise à vendre, et comme je connais un gars au Conseil, je pourrais me faire des prix confortables... Et je te rembourserais les deux mille sept-cent cinquante Lullois que je te devrais! »

Drojean marqua un temps d'arrêt. Il semblait réfléchir à la proposition.

Anna ignorait la nature de la relation entre Scham et son créditeur. Pour elle, ils ressemblaient à deux vieilles connaissances, qui étaient obligés de travailler ensemble, pour leur intérêt financier à tous les deux.

Il y avait pourtant une froideur glaciale dans cet échange. Malgré l'emportement du prénommé Drojean, ils semblaient tous deux prêts à adopter une solution pour régler ce conflit sans en venir aux insultes ou aux mains.

'BLAM!'

Un jeune homme d'une quinzaine d'années, le visage recouvert de cicatrices d'acné, fit irruption dans la pièce:

« M'sieur Drojean ! M'sieur Drojean ! J'ai une information urgente pour Monsieur... »

Il s'arrêta net en voyant le capitaine Scham. Son visage pâlit légèrement.

L'adolescent avala sa salive bruyamment, et reprit d'une voix fébrile :

« Monsieur Drojean... J'ai des nouvelles pour vous... urgentes.»

Drojean regarda Scham d'un air hautain quelques instants, avant de porter son regard sur le jeune messager:

« Quelle est la nature de ces nouvelles ? » Demanda-t-il

« De la nature... concernant... » Il jetait des coups d'œil nerveux et grossièrement indiscrets à Scham, tout en essayant de faire sortir les mots de derrière ses lèvres, « Concernant... je... »

Une lueur traversa le regard de Drojean. Il porta un intérêt nouveau au coursier :

« Viens, discutons en privé »

Il emmena le jeune garçon, qui n'avait l'air qu'à moitié soulagé, dans une petite pièce à côté. Anna l'entendit commencer à chuchoter très vite. Elle osa enfin s'avancer dans la pièce ; jusqu'ici elle était restée à l'écart, contre le mur, loin derrière le capitaine Scham.

Ce dernier l'entendit arriver, et lui jeta un regard interrogateur. Elle le lui rendit, les sourcils levés. La jeune fille ne savait pas non plus quelles étaient ces informations. Scham lui fit alors un clin d'œil, en souriant légèrement.

Ça la rassura quelque peu.

Tout allait bien aller.

Tout allait bien se passer.

Drojean rentra dans la pièce, triomphant

« Ha-ha! Scham Oran! Alors? Tu as omis de me transmettre quelques fraîches informations à ton sujet ? »

Les muscles du visage de Scham se crispèrent, comme s'il avait croqué dans un citron particulièrement acide:

« Jenevoispasdutoutdequoituveuxparler » Dit-il très vite, en serrant les dents

Drojean éclata de rire

« Tu ne vois pas! Haha ! Mais alors ? Le Laboratoire? Tu n'y aurais pas fait un tour la nuit dernière ? Et tu ne te serais pas enfui en volant quelque chose à Hjarch ? »

Anna se crispa à son tour; quelque chose ? Elle espérait que ce n'était pas à elle que l'on faisait référence de la sorte.

« Ecoute Drojean, je... »

« Ne dis rien, je suis sûr que tu as une excellente excuse ; tu en as toujours une. »

Drojean était euphorique :

« Tu sais quoi ? J'accepte de te prêter non pas mille deux cent-cinquante Lullois, mais deux mille. A la condition que tu emmènes avec toi deux de mes hommes, afin qu'ils s'assurent pour moi de la livraison et de la vente de tes marchandises. »

Scham réfléchissait à toute vitesse. Il avait le regard fixé sur le sol.

« Et si tu tente de me rouler, de ne pas revendre au plus offrant, ou si tu n'es pas de retour dans une période, j'irais, tout guilleret, à la garde, leur dire où tu te trouve, avec qui, et je fournirais volontiers tous les dossiers de transfert d'argent ainsi que l'emplacement de votre petite cachette... »

Scham leva les yeux. Ils étaient flamboyants.

« Et j'imagine que si je refuse ce prêt, tu mettras tout autant ces menaces à exécution ? »

Drojean sourit

« Tu comprends vite, tu es futé. C'est ce que j'ai toujours apprécié chez toi »

Le capitaine baissa la tête un instant.

Puis il la releva bien haut. Il s'avança, la main tendue vers Drojean:

« Marché conclu. »

Le créancier serra la main du capitaine en arborant un grand sourire.

Scham, lui, ne souriait pas.

Anna les regardait, impuissante.

Chroniques de Fantasmagoria - Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant