Chapitre 23

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Seneb était paisiblement endormi dans la cabine de son modeste bateau de marchand. Cela faisait quelques années à peine qu'il avait rejoint le réseau des marchands ambulants de Thèbes et il avait notamment un trajet de prédilection : Thèbes à Pi-Ramsès et inversement.

Un bruit sourd provenant de la porte de sa cabine le fit émerger de son sommeil. Il ajusta son pagne et recoiffa ses cheveux d'un geste rapide.

- Entrez !

Lorsque celles qu'il considérait comme de potentielles clientes entrèrent, il manqua de tomber de sa chaise.

Se tenait devant lui trois charmantes femmes, dont la grâce aurait ébranlé n'importe quel homme. Mais il n'y avait pas que leur beauté qui avait chamboulé Seneb, mais aussi leur statut.

Atshet, épouse d'Âmosé, un haut fonctionnaire très respecté, mort il y quelque temps ; Iynefret, sa sœur et Méréret, fille de Mounetjen qui travaillait comme prêtresse au creux du Domaine de Mout.

- Que puis-je faire pour vous mesdames ? Demanda-t-il, impressionné.

- Tu es bien Seneb, marchand ambulant ? Demanda Atshet.

- C'est exact.

- Ma sœur et moi-même aimerions te confier Méréret afin qu'elle se rende à Pi-Ramsès. Quand pars-tu pour la capitale ?

- Ce soir. Répondit Seneb, éberlué.

- Bien. Où pouvons-nous poser sa malle de voyage ?

- C'est-à-dire que...

- Que ?

- Mon bateau est petit et ne contient qu'une seule cabine...

- Connais-tu la raison de ce voyage ? Le questionna Atshet.

- Non...

- Méréret doit retrouver l'assassin de mon défunt mari.

- Oh ! Vous l'avez enfin retrouvé !

- Oui, enfin. Dit-elle en souriant. Méréret a besoin de repos afin de pouvoir agir efficacement dès son arrivée à Pi-Ramsès.

- Je vois. Je... je lui prêterais ma cabine.

- Dès votre retour, vous serez payé grassement.

- Madame est trop aimable. Dit-il en s'inclinant.

Méréret s'avança et prit la parole afin de remercier Seneb.Ensuite, elle installa ses affaires à l'intérieur de la cabine et salua chaleureusement ses compagnes.

Jamais Seneb n'avait vu autant de solennité dans un au revoir.

- Tu es notre dernière chance Méréret. La loi de Maât doit être accomplie. Âmosé doit être vengé.

Et elles s'en allèrent.

Lorsque Seneb pu enfin distinguer le beau visage de Méréret, il put apercevoir que ses yeux étaient remplis de larmes.

Assise sur l'unique chaise de la cabine, Caroline avait le cœur serré. Elle savait que, même si elle réussissait, elle ne pourrait divulguer le nom de la coupable et Atshet et sa sœur resterait dans l'ignorance jusqu'à leur mort.

- Combien de temps durera ce voyage, Seneb ?

- Environs huit jours. Lui répondit-il.

- Je te remercie.

- Je vous en prie madame.

En regardant le Nil, long fleuve d'apparence paisible, Caroline se remémora tous les évènements qui s'étaient déroulés depuis la découverte de la tombe d'Âmosé. Elle qui, auparavant, menait une vie tranquille.

Alors qu'elle méditait, la porte de la cabine s'entrouvrit.

- Je suis désolé de vous importuner ainsi, mais nous sommes prêts à déjeuner. Désirez-vous vous joindre à nous ? Lui demanda poliment Seneb.

- J'en serais enchanté. Déclara Caroline.

En sortant de la cabine, la jeune femme vit les quelques marins du modeste navire, assis en cercle, qui s'apprêtaient à découper deux poissons de belle taille. Lorsque Caroline fit son apparition, les quelques hommes ne purent retenir leur admiration. Jamais de leur vie, il n'avait côtoyés une femme de la noblesse. Flattée, Caroline laissa Seneb parler pour elle.

- Voici la dame Méreret qui nous honorera de sa présence durant tout au long de notre voyage.

Les marins s'inclinèrent, en signe de respect.

Soudain, le cœur de Caroline fit un bond dans sa poitrine. Dans le groupe, elle avait reconnu Nakhtmin, celui qu'elle avait rencontré durant la Belle Fête de La Vallée.

Lui aussi, d'ailleurs, semblait étonné de la voir. Il s'approcha et s'inclina une seconde fois.

- Je suis très heureux de vous revoir, madame.

- Votre bonheur est partagé, Nakhtmin.

Il lui sourit et l'invita à s'asseoir.

- Je vous en prie, acceptez ce modeste repas et pardonnez-nous de ne point posséder un navire digne de votre rang.

- Peu m'importe le rang, je suis en mission, le confort passe après.

Intrigué, l'homme se jura de questionner la belle Méreret, à l'abri de regards indiscrets.

Sous le sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant