Le coeur vide [Terminée]

Chapitre 2

Quand je suis arrivé pour la première fois à l'Institut de Santé Mentale de Séoul, j'ai tout de suite été accueilli par une femme d'une trentaine d'années. Grande, silhouette élancée, légèrement maquillée, cheveux bruns attachés en queue de cheval, frange asymétrique. Elle portait un tailleur et des escarpins.

-Bonjour Jungkook, m'a t'elle dit en souriant chaleureusement. Je m'appelle Kim Migyuk. Je suis la directrice du pôle "jeune adulte" de cet institut.

Avec nonchalance, j'ai serré la main qu'elle me tendait. Elle m'a souhaité la bienvenue. Puis elle m'a expliqué que l'ISM de Séoul était séparé en trois pôles : le pôle "enfant et adolescent" pour les moins de 16 ans, le pôle "jeune adulte" pour les 16-25 ans, et enfin le pôle "adulte" pour les plus de 25 ans. Je savais que le fait que je sois affecté au pôle "jeune adulte" était censé me rassurer, mais ça m'a fait l'effet inverse. Parce que le vide qui m'habitait avait tendance à être amplifié lorsque j'étais entouré de gens de la même tranche d'âge que moi.

Madame Kim m'a demandé poliment de la suivre afin de visiter les lieux. Je me suis exécuté sans grand enthousiasme. Elle m'a d'abord fait traverser le hall d'entrée, elle m'a montré le réfectoire, elle m'a fait sortir dans le jardin. Ensuite, elle m'a emmené voir les différents bâtiments. Le bâtiment A, c'était là où avaient lieux les activités de loisirs. Il y avait une salle de musique, une salle de télévision, une salle d'arts manuels, une salle d'arts corporels, et enfin une bibliothèque. Le bâtiment B, c'était là où se trouvaient les bureaux et cabinets des professionnels de santé de l'institut. Enfin le bâtiment C, là où se trouvaient les chambres des patients. Pour s'en souvenir, c'était simple : A comme Activités, B comme Bureaux et C comme Chambres.

Madame Kim m'a escorté jusqu'à ma chambre. Deuxième étage, couloir de gauche en sortant de l'ascenseur, porte numéro 4. En ouvrant la porte, j'ai découvert une grande pièce avec deux lits de chaque côté de la pièce, puis de la même façon, deux tables de chevet, deux bureaux et deux placards. J'ai tout de suite remarqué qu'il y avait déjà des affaires installées un peu partout sur les meubles du côté droit de la pièce. J'avais donc un camarade de chambre. Quelle horreur.

-Tu partageras ta chambre avec un jeune homme qui s'appelle Park Jimin, m'a expliqué madame Kim. Il a deux ans de plus que toi. Je l'ai mis au courant de ta venue. Il est actuellement en consultation avec son psychologue, mais tu pourras faire sa connaissance dès qu'il sera revenu.

Je me demandais quel trouble mental ce Park Jimin pouvait bien avoir. J'espérais qu'il était dépressif comme moi. Parce qu'en étant dépressif, il ne serait pas d'humeur à faire la causette avec moi, et ça m'arrangeait.

-Comme ton camarade de chambre, tu auras des consultations quotidiennes avec un psychologue le matin et un psychiatre l'après-midi. Ensuite, le reste du temps, tu es libre de choisir les activités de loisirs qui te plaisent, il te suffit de te présenter à l'heure aux salles indiquées sur cet emploi du temps.

Elle a brandi une feuille A4 avec le fameux emploi du temps des activités devant mon visage. Je l'ai attrapé sans y jeter un oeil.

-Le petit-déjeuner, le déjeuner, et le dîner sont servis au réfectoire aux heures également indiquées sur l'emploi du temps. En revanche, les médicaments sont apportés directement aux patients dans leurs chambres tous les matins.

Elle m'a ensuite demandé de tendre le bras, et lorsque je me suis exécuté, elle a enfilé un bracelet blanc en caoutchouc autour de mon poignet et m'a demandé de ne jamais le retirer. Sur le bracelet, il y avait mon nom, mon prénom, ma date de naissance et mon numéro d'identification.

-Est-ce que tu as des questions ? m'a t'elle demandé.

-Oui. Quand est-ce que je pourrai partir d'ici ?

Elle a pris une profonde inspiration et m'a répondu d'une voix douce :

-Jungkook, tu es ici parce que tu ne vas pas bien. Et nous allons tous t'aider à aller bien. Tu partiras quand tu iras mieux. Mais en attendant d'aller mieux, il faut que tu te sentes ici chez toi.

J'ai parcouru la pièce des yeux. La décoration haute en couleur ne me correspondait pas, et le pire c'est que c'était comme ça partout dans l'institut. Il n'y avait rien ici qui pouvait me faire sentir chez moi.

-Si tu n'as pas d'autres questions, je te laisse t'installer, a t'elle fini par me dire. N'hésite pas à solliciter les infirmières de l'institut. Elles sont là pour toi. Tu peux aussi me solliciter pour tout et n'importe quoi. Je suis souvent dans le hall d'entrée ou dans mon bureau, c'est la porte numéro 1 au bâtiment B.

Sur ces quelques mots, elle m'a fait un dernier sourire, puis elle s'est dirigée vers la sortie.

Il était hors de question pour moi de m'installer. Je me suis contenté de glisser ma petite valise sous mon lit. Puis je me suis allongé sur mon matelas, les yeux rivés sur le plafond. Il était violet. Comme tous les murs de la chambre, d'ailleurs. C'était horrible cette couleur. Ça n'allait pas du tout avec le rouge de la porte et de la fenêtre, ni avec le orange des meubles. Ça me donnait envie de vomir.

Je détestais être à cet endroit-là. Je regrettais amèrement que ma tentative de suicide n'avait pas abouti. Le pire, c'était que je n'avais aucun moyen de réessayer ici. Et je me sentais tellement vide.

Il n'était que dix heures du matin mais j'ai essayé de dormir. Après tout, c'était tout ce qu'il me restait à faire pour échapper au vide qui m'habitait. Au moment où mes paupières ont commencé à devenir lourdes, j'ai entendu la porte de la chambre s'ouvrir. J'ai tourné la tête, et dans l'embrasure j'ai vu apparaître un jeune homme d'à peu près mon âge, avec une silhouette svelte, un teint hâlé, un visage d'adolescent, et des cheveux blonds décolorés qui lui retombaient sur le front en mèches désordonnées.

Ça devait être lui, Park Jimin.