Chapitre 13.

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(Martin)

Violette est montée très vite dans la voiture sans dire un mot. Elle a le visage fermé,  quelque chose a dû la mettre mal à l'aise. Au bout de cinq minutes, elle pousse un grand soupir et me fait un sourire en coin.

— Tu as passé une bonne journée ? me demande -t-elle. 

D’accord. Quand elle réagit ainsi en général c’est pour me cacher un truc. Noyer le poisson est sa spécialité.  Ma soeur a mis en place toute une série de petites protections  quand elle est angoissée. Celle-ci  est la plus au point, et j’ai mis presque six mois avant de la repérer. Violette n’est pas bavarde, donc lorsqu’elle lance une conversation c’est qu’elle ne veut en aucun cas que je la questionne sur ce qui la chiffonne. 

— Plutôt pas mal malgré notre réveil aux aurores. J’ai rangé toute la maison, sauf ta chambre bien entendu, réponds-je avec le maximum de naturel. 

Elle m’écoute lui raconter tout ce que j’ai fait, ou plutôt elle semble m’écouter. Ses yeux sont fixes car elle n'assimile aucun de mes mots. Je suis certain que si je glissais qu’un éléphant jaune à pois bleu est venu prendre le café,  elle ne serait pas surprise. Lorsque je gare la voiture, elle est de nouveau attentive. J’en déduis qu’elle a géré le souci. 

— Tu grignotes un truc ou tu as trop de cours à réviser ? la chahuté-je.

— Il te reste des cookies ? ose-t-elle me demander.

— Il y a toujours des cookies, tu le sais bien. Sérieusement,  Violette, tu as le temps pour discuter un peu avec ton vieux frère ? 

-— Je ne sais pas. Si tu veux parler de lui, précise-t-elle en faisant une grimace, je n’ai pas le temps. Tous les autres sujets sont acceptés. 

— Est-ce que tu sais pourquoi je suis parti de la maison ? entré-je directement dans le vif du sujet.  Ou plus exactement pourquoi il m’a mis dehors ? 

— Je t’ai dit que je ne voulais pas parler de lui, se renferme- t- elle illico.

— C’est de moi que je parle, rétorqué-je sur le même ton qu’elle. Il m’a jeté dehors car je lui faisais honte.

—Il aurait mieux fait de se virer lui-même alors. Qu'est-ce que tu faisais ?

— Il m’a surpris à la sortie du lycée en train d’embrasser un mec. 

Je la fixe, elle ne réagit pas. 

— Il ne t’a pas cogné ? Il avait l’habitude de tabasser  en général quand on était pas conforme à ce qu'il voulait ! 

—Bien sûr qu’il l’a fait mais cela n’a rien changé :  je suis gay. Alors il m’a mis dehors. J’avais seize ans, je suis allé chez Tante Graziella. Puis je suis parti à l’étranger. Graziella ne m’a pas mis au courant…

— Je sais cela, Martin. L'assistante sociale me l’a expliqué. Que tu as su pour maman bien après. Alors, quand tu t’absentes, c’est pour aller voir des mecs ? 

— Non. C'est le même à chaque fois.

— Et il n'a pas envie de me rencontrer, constate-t-elle, puisqu'il ne vient pas à la maison.

— Oh que si, il en a envie. C’est moi qui ne veut pas. 

Son regard se trouble.  Évidemment, elle se culpabilise une fois de plus. Mais je ne peux  pas la laisser croire que Ludovic est responsable. Je me lève de l’îlot central où nous étions installés pour la prendre dans mes bras.

— J'ai merdé complètement, soeurette. J’ai douté de toi, de tes opinions. J’ai eu peur que mon homosexualité puisse mettre en péril le projet de tutelle. C’est la seule et unique raison pour laquelle il n’est jamais venu ici.

— Et maintenant, tu as changé d'avis, murmure-t-elle. Pour quelle raison ? 

—Tu sais à quel point je suis pénible. D’un côté, je souhaite te protéger de tout. D’un autre, je fais tout mon possible pour t’aider à être forte. Toi et lui, vous êtes les seuls qui comptez. Je n’en peux plus de me cacher, et lui non plus. Tu en dis quoi ?

Elle est restée serrée contre moi sans rien dire. Je ne sais pas réellement ce qu’elle pense. Je relâche mon étreinte et elle en profite pour se retourner vers moi. 

— C’est presque vexant que tu n’aies pas voulu me faire confiance. Tu crois que je vais  aller crier à tue-tête que mon frère est gay. Je ne veux pas plus que toi mettre en péril la tutelle. Et vu mon énorme groupe d’amis, y a pas beaucoup de risques, hein ?

—Je dois encore t'avouer quelque chose... Tu le connais. 

— Si tu m’apprends que c’est un de mes profs, je sens que je vais te détester, grogne-t-elle. 

— Ce n’est pas le cas. Il s’agit de l’oncle de Fabien.

Elle ne réagit pas plus mais je sais qu’elle cherche dans sa mémoire à visualiser Ludovic qu’elle n’a vu qu'une fois.

— Et Fabien sait ? demande-t-elle.

— Le dimanche après son arrivée, raconté-je, je n’ai pas pu résister. J’ai juste été voir Ludo, Fabien était là. Il a compris quand il m’a croisé l’autre jour au lycée. Pourquoi j’aurais caché que je le connaissais sinon ? Ludovic ne sait pas mentir, et son neveu est très perspicace...

— En fait vous vous foutez bien de ma gueule tous les trois ! s'énerve-t-elle.

— Non, répliqué-je fermement. Ludovic et moi, lui avons expressément demander de ne rien te dire avant que je t'en parle moi. Ne lui en veux pas. 

( Fabien) 

La pizza végétarienne était succulente. Nous avons discuté mon oncle et moi, tranquillement.  Je crois que je pourrais sans difficulté lui expliquer les raisons de ma présence chez lui. Bientôt...

Dans ma chambre, je bosse un peu les mathématiques mais mes lacunes sont trop importantes. Il me faudrait les explications de Violette, mais je ne sais pas si demain, elle me reparlera. Pourquoi ai-je été me mêler de ce qui me regarde pas ?  

Mon portable vibre à ce moment.

Violette : Tu es dispo ?

Fabien : Bien sûr.

Le message est à peine envoyé que mon téléphone sonne. 

— Merci. Ton oncle t’accompagne demain ? 

— Oui. Pour huit heures, pourquoi ? 

— Mon frère m’y dépose un peu plus tôt, il a un rendez-vous. Tu as déjà séché, toi ? me demande-t-elle d'une toute petite voix.

— Oh que oui, des journées entières. Tu veux sécher ? Toi, une des meilleures élèves du bahut ? Tu veux que je t’accompagne dans cette nouvelle expérience ? proposé-je.

— Tu ferais ça ? 

—À entendre tes propos, tu es novice. Ma grande expérience peut aider et puis si tu m’en parles, c’est que peut- être, tu n’as pas envie d’être seule. Je me trompe ? 

— Mais ton oncle ne va rien dire  ? s'inquiète-t-elle réellement.

— Je ne pense pas que ce soit un souci. Et ton frère ? 

— Aucune idée, et je m’en fous, rétorque-t-elle, agacée. On se retrouve où ? 

— Dans la petite rue où il y a l’auto-école, tu vois ? Si tu changes d’avis, tu me mets un message, hein ? 

— Je ne changerai pas d’avis. A demain.

Est- ce que son frère lui a parlé ? Est-ce sa réaction par rapport à ce qu'il lui a dit ? Je decouvrirai cela  demain.

Des Légumes Dans L'assiette. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant