Chapitre 28.

1K 132 34
                                    


( Martin)

J’ai la sensation de me laisser porter. Mon esprit est centré sur mon manque de travail, et tout le reste semble flou. J’ai accompagné Ludo chez Frédéric sans en connaître la raison, mode pilotage automatique. Mon amant sort du véhicule et, tout sourire, attend que je le suive. Je le rejoins et nous entrons dans une maison à la façade austère.

— Je ne sais pas pourquoi mais je l’imaginais dans un style loft, ton pote, précisé -je. Cette façade est limite flippante. 

— Et tu as bien raison, Martin, réagit le pote en question. C’était le but. Ne pas donner envie d'y entrer. Pour résumer en quelques mots, je fuyais quelqu'un. Entrez.

Derrière la porte, une sorte de grand vestibule, avec à droite une pièce qui ressemble à un bureau. Pourquoi mettre un bureau dans cet endroit sombre ? J’y poserais au moins une verrière pour donner de la luminosité. Ludo et Frédéric m’attendent, aussi je sors de mes pensées et j’avance un peu confus.

Derrière le battant sombre, je découvre un autre monde. Une pièce gigantesque, des fenêtres sur les deux côtés, et deux énormes baies vitrées. 

— Énormes, faut pas exagérer, se moque Frédéric. Elles sont grandes, oui.

-— Donc j’ai parlé à voix haute, dis-je. Elle est carrément géniale ta baraque. 

— Ravi qu’elle te plaise.

Ils continuent à discuter entre eux, me laissant découvrir le lieu. La pièce est intégralement ouverte. Sur la gauche, une cuisine toute équipée, moderne dans des tons gris et noirs, au centre une majestueuse table en bois brut. Près des baies vitrées, un espace détente avec deux vastes canapés. 

Mon esprit s'évade et imagine plusieurs tables installées style auberge de charme, ou un cours de cuisine expliqué à plusieurs personnes dans ce lieu chaleureux.

— Martin, m’interpelle Ludo ? Frédéric te demandait si tu voulais un café….

— Excuse-moi. Oui, je veux bien. Cette pièce est splendide, bravo puisque je suppose que tu en es l’architecte.

— Architecte, non. Juste le dessinateur de ce que j’avais imaginé dès ma première visite. Abattre tous les murs pour ne faire qu'une seule et unique pièce. 

— Ton départ en Australie va t’obliger à la mettre en vente ? 

— C'était ma première idée, oui. Mais en fait, je vais la louer.  

— Ah ? Tu as déjà une piste ? demandé-je curieux.

— Il me semble que cela va dépendre de toi. Ludovic m’a parlé de tes envies. Cette maison pourrait te permettre de les mettre en oeuvre.. L’espace est grand sans être énorme, bien localisé et à proximité d'une matière première de qualité.

— C’est en effet ce que je me disais en la découvrant. Hélas, je n’ai pas les moyens de payer une location, dis-je dépité.

— J’y ai réfléchi toute la matinée. Je ne vais avoir aucun loyer à payer  en Australie, il fait partie du contrat. Je te propose un deal, Martin. Pendant six mois, tu ne me payes rien. Au delà de cette date, nous verrons ce qu'il en est. 

Je le regarde, puis Ludovic et j’attends la boutade habituelle dont est friand Frédéric mais rien ne vient.  Les deux sont souriants et attendent, je présume, une réaction de ma part. 

— Pas de boutade, est-ce que je dois réellement penser que ce n’est pas une plaisanterie ? 

— Je sais que mes blagues sont souvent lourdes mais quand même ça serait malsain. Prends le temps de réfléchir, discutez-en mais je t’assure que cela n’a rien d'une bêtise.

— Mais enfin, Frédéric, tu ne te rends pas compte... Ce lieu a juste la taille qu'il faut. Et en plus, il a un putain de charme.  Ta proposition est trop généreuse. Je ne peux pas accepter. 

— Tu serais idiot dans ce cas. 

( Violette) 

Je ne sais pas ce qui c’est passé. J’étais très mal à l’aise, les mains moites, le coeur brinquebalant dans ma poitrine. Il m’a suffit de fixer Fabien, de presque respirer à l’unisson avec lui pour me calmer. Bizarrement, les deux copains d’Antoine n’ont pas ni rigolé ni fais des bisous dans le vide. Cela m’aurait comme à chaque fois déstabilisée. Après, il m’a suffit de dérouler mon exposé. 

Encore une heure d'Anglais et la journée est finie. Il me reste pas mal de choses à mettre en carton. Je n’ai jamais su faire du tri, peut être parce que je ne me suis jamais vraiment senti chez moi. Auprès de Martin, je suis bien. J’ai eu du mal les premiers temps, plus envie de m’adapter à une autre maison, à mon frère que je ne connaissais pas. Il ne m’a forcé à rien, et petit à petit j’ai posé mes valises. Dans la cave, il y a des cartons d’affaires qui m’appartiennent, qui dans ma mémoire représentent des familles avec lesquelles j’ai vécu sur des périodes plus ou moins longues. Je crois que je me sens prête à faire ce tri. 

La semaine dernière, nous avons emménagé virtuellement mon coin. De l’autre côté de notre  salle de bain commune à Fabien et moi, je dispose d'une grande pièce. Mon grand lit, une bibliothèque qui ne servait à personne et nouveau pour moi un bureau. J'ai toujours bossé au milieu de la pièce de vie, j’imagine que je m’y habituerai. 

( Fabien)

Nous marchons tranquillement vers l’appartement,  Martin nous y rejoint pour faire un dernier voyage. Ce week end,  mon oncle a réservé un petit camion pour déménager le peu de meubles de Martin et Violette. Samedi soir, nous serons réunis. Je ne peux plus attendre, cela serait ridicule. 

-—Violette, l’interpellé-je alors que nous sortons de l’ascenseur. Tu crois que Ludo acceptera que je quitte le fauteuil ? 

— Tu veux dire que tu tiens debout maintenant ? 

Comme une démonstration est à mon avis beaucoup plus efficace qu'un discours, je me lève. Et je vais la rejoindre. Ma démarche n’est plus hésitante du tout. 

— J’ai perdu pas mal de masse musculaire mais si je m’y mets sérieusement,  cela peut revenir vite. 

Je déambule dans l’appartement pour lui prouver ma stabilité. Mon fauteuil fait un écart lorsque la porte le pousse et que Martin apparaît. Me découvrant debout à l’autre bout de la pièce, il comprend vite et nous rejoint.

— Ça y est, tu t’es décidé ? Nous nous posions la question Ludo et moi.

Des Légumes Dans L'assiette. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant