Chapitre 25.

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(Martin)

J’avais très peur de ce courrier et Violette aussi évidemment. Je ne m’attendais sûrement pas à ressentir une telle émotion. J’ai beaucoup de questions à poser sur cet homme car ce n’est de toute évidence plus celui qui m’a viré de la maison. L’avocate attend tranquillement que nous reprenions nos esprits. 

— Maître Duhamel a transmis à la demande de votre père un courrier au juge des tutelles. Celui-ci a statué hier et vous recevrez le courrier officiel chez vous prochainement. Avec son accord, puisque je vous recevais aujourd'hui, je peux d’ors et déjà vous informer que vous êtes officiellement le tuteur de votre soeur, monsieur Duguin.

Violette se serre contre moi, et laisse couler une nouvelle vague de larmes, alors que je tente sans grand succès d’endiguer les miennes. Je m’efforce de rester concentré sur les derniers mots de la femme de loi, mais mon esprit pense à ce que cette décision implique : nous allons nous installer chez Ludovic.

À la sortie, nous sommes comme anesthésiés, puis d'un même élan, nous éclatons d’un rire qui résonne dans les couloirs du palais de justice, et chacun de notre côté, nous avons envie de l’annoncer à Ludovic et Fabien. Nous aimerions leur crier notre joie mais aussi voir la leur, aussi sans tarder, nous nous mettons en route. 

(Fabien)

Mes cours finissaient à quatorze heures aujourd'hui, un prof absent. Du coup, Ludo est venu me récupérer avant le repas. Cette matinée seul était bizarre et je ne pense pas avoir été très concentré. Violette a peu communiqué, elle était en stress complet. 

L’après midi, j’ai aidé mon oncle comme j’ai pu dans divers petits trucs mais évidemment je suis plus lent que Martin et nous avons tous les deux la tête ailleurs. 

Régulièrement, nous jetons un oeil sur nos portables et nous échafaudons des hypothèses dans nos têtes.

— Toi aussi, tu ne penses qu’à cela, on dirait, remarque-t-il en me voyant ranger mon téléphone dans ma poche une fois de plus.  Le rendez-vous était à quatorze heures, Martin n’a pas su me dire pour combien de temps ils en avaient. J’ai besoin d'un café, la nuit a été très courte.

— Violette m’a à peine parlé ce matin, elle était ailleurs.  L’idée d'un café me plait pas mal. 

Quinze heures trente, nous sommes dans le local, et évidemment les clients ne se bousculent pas, cela nous aurait distrait un peu...

— Je crois que si tu ranges une fois encore ces pommes, elles vont te mordre, me moqué-je pour m'interrompre en entendant le bruit d’une voiture sur le parking.

Ludo, curieux, est déjà sur le seuil et quand je le vois continuer, je comprends qu’il s'agit de la voiture de Martin. 

Je sors à mon tour, heureux et en même temps inquiet. Ludo et Martin sont serrés l’un contre l’autre, et je ne sais pas s'ils pleurent de joie. Violette me voit et accélére le pas. Elle ne semble pas triste.

— Il va falloir que tu ranges un peu tes affaires ! m’annonce-t-elle, toute souriante.

Je lui attrape la main et la tire sur mes genoux. Nous le faisons souvent depuis quelques temps, c’est plus facile pour parler entre nous et puis elle ne pèse rien. 

— Je suis tellement heureux de cette nouvelle. Et toi, tu en penses quoi ? 

— Je pense que ça devrait aller. 

L’après midi a été surprenante. Le peu de clients de ce début d’automne avait quatre personnes à leur service. Certains ont dû se demander pourquoi nous étions si souriants. 

Une fois le local rangé et les livraisons prêtes à charger pour le matin, nous nous sommes retrouvés à la maison. Martin semblait ne plus arriver à lâcher mon oncle que cela n’avait pas l’air de déranger. 

Nous avons été jeter un oeil dans le secteur où je suis installé. La salle de bain a été judicieusement implantée au centre ainsi nous pourrons aisément nous la partager Violette et moi. Reste à déménager une partie de la salle musculation dans mon espace. Après tout, je suis celui qui en a le plus besoin. 

(Violette)

Je voulais parler de ce que j’avais ressenti à la lecture de sa lettre à Fabien. Mais je n’y arrive pas. Maintenant que la tutelle est officielle, l’installation dans la longère de Ludovic ne tardera pas. Martin respire le bonheur à ses côtés. Fabien est comme un grand frère pour moi, je ne crains rien près de lui. Je redoute juste lorsqu'il partira. Car je me doute que son père ne le laissera pas plus d'une année ici. A moins qu'il change, le mien est bien revenu sur ses positions concernant Martin. 

( Ludovic)

Je redoutais la réponse du juge des tutelles. Martin n’en parlait pas mais je suis persuadé que dans un coin de sa tête,  celui qu'il garde encore un peu secret, il pensait qu’une instance pouvait lui reprendre sa petite soeur. Ça les aurait détruit : tous les deux, ils ont un langage gestuel et visuel rien qu’à eux qui leur permet de communiquer. 

Pendant que Martin gère le repas avec les deux jeunes, j’ai été mettre à jour des papiers. C’est à ce moment-là que mon portable résonne et par réflexe je décroche.

— Ludo ?  hurle Frédéric.

— Fred, ce n’est pas la peine de crier, je t’entends malgré la distance, me moqué-je.

—Je rentre jeudi, déclare-t-il.

—Tu veux que je vienne te chercher à l'aéroport ? 

— Non, ils ont réservé un véhicule. J'ai signé, mec. J'arrive en début d'après-midi, je te mets tout ça dans un mail, à jeudi. 

— Le repas est prêt, tu viens ? Ludo ? me demande Martin à la porte.

— Fred vient d'appeler, il rentre jeudi, lui dis-je pour expliquer ma réaction. Il a signé, je pense qu'il va partir définitivement.

— Ça a l’air de te perturber.Tu ne l’avais pas envisagé ? Quand une boîte te paye pour venir à l’autre bout du monde, c’est souvent qu’elle te veut.

— Bien sûr, mais Fred fait partie de mon quotidien. A part des relations professionnelles et ma soeur, je suis seul alors cela me fait bizarre.

— Et moi, tu me situes,  où ? me demande-t-il, d'une drôle de voix.

— Toi ? Tu es au centre, Martin. Tu donnes du sens à tout ce que je fais. Sans toi, plus rien n’a d’intérêt.

Des Légumes Dans L'assiette. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant