(Martin )
La matinée a passé à une vitesse incroyable. Ludovic est une machine de guerre au travail : organisé, méticuleux, il a l'oeil sur tout. Les légumes sont installés pour la vente de cet après midi. Mon rendez-vous avec le proviseur m’empêche d’y être. Je pense pouvoir le seconder dès mon retour. Il a besoin de deux heures pour préparer la plus grande partie des commandes à livrer.
— J'y vais, Ludo. Arrête-toi un peu, d'accord. J'ai commandé de la viande, tu me mets de côté une ou deux courgettes, poivrons avant que la saison se termine et des pommes de terre. Je m’occupe du repas.
Le proviseur ne me fait pas attendre, mon appel téléphonique a été efficace. Il faut dire que je sais, quand je le veux, manier un ton sec et chargé de menaces. Je me retrouve assis face à lui dans son bureau. Il est visiblement mal à l’aise.
— Je vous ai reçu sans attendre, monsieur Duguin. Votre soeur malgré son jeune âge, fait partie des meilleurs élèves de l’établissement. J’ai connaissance des conditions un peu particulières de sa vie personnelle.
— Parfait. Votre discours me rassure dans le fait que vous prendrez toutes les mesures nécessaires afin de stopper définitivement les agissements de cet Antoine Désert. Violette n’a commis qu'une seule faute : céder face à des menaces malsaines.
— Oui. Elle est aussi, de par ses actes, complice de tricherie avec plusieurs élèves. Vous conviendrez qu’il me faudra la sanctionner également.
Tente-t-il de faire pression sur moi ? Il croit que je n'ai pas discuté de cela avec Violette. Elle a, de son propre aveu, fait une bonne trentaine de devoirs depuis la rentrée. Sans connaître tous les noms, elle saura les reconnaître sans soucis.
— Je pense que sa punition sera moins forte, après tout elle est la victime. Je ne me mêlerai pas de la façon de faire pour l’instant. Mais je resterai vigilant, il vous appartient de faire le nécessaire.
(Fabien)
En fin de matinée, Violette a reçu un message de Martin. Le rendez-vous avec le proviseur s’est bien passé. Antoine attendait devant la porte quand il est sorti. Cela tombe plutôt bien car le voici qui approche à grands pas colériques vers elle. Il ne m’a pas vu, je me suis volontairement positionné dans un coin de la cour.
Je ressens sa colère à ses gestes brusques, et avant qu'il agisse, je le coince entre mon fauteuil et Violette.
— Casse-toi de là, l’handicapé ! J’ai des choses à régler avec cette sale cafteuse, m’ordonne-t-il excédé.
— Il se trouve que je n’ai pas du tout envie de partir, moi. Violette est mon amie et je te sens bien énervé.
Je sors un objet de ma poche, très utile pour ce que je veux en faire, et le positionne au creux de son genou, juste à ma hauteur.
— Qu’est-ce que ?
— Chut, lui dis-je, menaçant. Ce que je viens de poser est un petit taser. Alors, je vais t’expliquer un petit truc, Antoine. Si toi ou un de tes potes vous touchez un cheveu de Violette, ou si vous la menacez, je m’occuperai personnellement de votre cas.
— Tu es dans un putain de fauteuil roulant, mec, ricane Antoine, peu impressionné.
— J’ai deux ou trois copains qui me doivent des services. À toi de décider. Tire-toi, immédiatement, grondé-je.
Ma voix a juste le ton qu'il faut, mélangeant menace et colère. Antoine n’hésite pas longtemps et se carapate sans dire un mot. Je remets le faux taser dans mon sac. Violette me fixe bizarrement.
— L’outil est à moi, et complètement inoffensif. Quant aux amis vengeurs, ils sortent tout droit de mon imagination, blagué-je pour la détendre. Je crois que cela devrait suffire à le calmer.
— Ta voix était incroyablement flippante. Merci, Fabien.
( Ludovic)
Je n’ai pas complètement écouté Martin. Le plus gros du ramassage était fait, l'étal prêt, j’avais le temps de gérer le côté paperasse avec une certaine sérénité. Lorsque deux bras me décollèrent de mon fauteuil de bureau, je réalisais que je n’avais entendu ni sa voiture, ni lui arriver.
— Tu vas me faire le plaisir de fermer cette porte à clef, râle-t-il sa bouche dans mon cou. Tu étais tellement absorbé par ton travail que tu n'as rien entendu. Imagine que j’aie eu de très mauvaises intentions…
— J’étais concentré mais tu as raison ce n’est pas très prudent. De très mauvaises intentions, tu disais ?
Ses yeux brillants de désir sont semblables au premier jour et sa bouche charnue s'empare avec gourmandise de la mienne. Martin est le cadet mais son expérience est plus grande. Cela fait quelques mois que nous nous retrouvons sur des moments très brefs mais torrides, aujourd'hui nous avons le temps. Je reprends la main et nous nous dirigeons vers la chambre.
Avoir le temps de se caresser, se cajoler sans garder l’oeil sur la montre, cela fait un bien fou. Martin est collé contre mon dos et je savoure juste le fait de le sentir contre moi. J’espère que notre installation va fonctionner, nous avons besoin de cette proximité pour être heureux.
— Tu as discuté avec Violette ?
— Oui, elle est un peu inquiète. Je crois qu'elle a besoin de te connaître un peu. Et toi, Fabien réagit comment ?
— Il n’a pas dit grand chose de plus. Je pense qu'ils vont en parler entre eux. Tu la récupères ce soir ?
— Oui, elle rentre directement à la maison. Elle aime marcher. Crois-tu que tu pourrais nous rejoindre après la vente si je récupère ton neveu. Nous pourrions manger ensemble ?
Tout son regard pétille de bonheur à cette idée, et son enthousiasme est contagieux. Ne pas avoir à récupérer Fabien va me libérer du temps.
— C’est une très bonne idée, mon coeur. Tu lui laisses un message. Je resterais bien ici toute l’après midi mais du coup, j’ai tout mon travail du soir à faire.
— Si je te donne un coup de main, on peut bien en profiter encore un peu, non ?
Martin nous a cuisiné les escalopes de veau et une fondue de légumes, puis nous avons été ramasser les produits que je livrerai demain matin dès que j’aurai déposé Fabien au lycée.
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Des Légumes Dans L'assiette.
RomanceLudovic, 28 ans, maraîcher, a accepté d'accueillir son neveu Fabien. Celui-ci en rupture avec ses parents, ingérable, en fauteuil roulant va venir passer une année chez lui pour rattrapper les deux dernières années scolaires catastrophiques. Martin...