CHAPITRE 20

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Le Fléau est vaincu et ne reviendra jamais. Nous l'avons fait tous ensemble. Mais mon temps est compté, il ne doit me rester que quelques minutes avant de disparaître de ce monde. Mon Jugement Divin nécessite une pierre ou la vie de son utilisateur. Et même si j'avais eu une pierre, j'aurais feint ma mort pour que ce monde puisse vivre paisiblement. 

Si je reste en vie, je serais inarrêtable. Les gens pourrait comploter contre moi pour me tuer ou me tourner le dos. Et quand bien même ça n'aurait pas été le cas, je brise l'équilibre mondial. Si je me range du côté d'un pays, les autres ne voudront pas l'attaquer ou feront une alliance. Je n'avais comme but que de terrasser Le Fléau. Je n'ai dorénavant plus de place en ce monde, je dois le quitter définitivement. 

— Léod, Torlak, je vous félicite. Vous vous êtes bien battus.

Ils se tournent vers moi, les yeux plein de larmes de joie, me remercient et se jettent à mon cou.

— C'est grâce à toi si on a gagné, papa. dit Léod

Il est temps pour moi de partir. Je les regarde une dernière fois et m'offre à mon destin. Rien ne se passe. Je vais inspecter le champ de bataille pour réfléchir, laissant Torlak et Léod rester derrière. Je marmonne dans ma barbe pour ne pas me faire entendre.

— Le temps est écoulé et je ne suis pas mort... Ce n'est pas normal.

Je m'avance vers la stèle, la caresse et la réduit en cendres. Ce sort fonctionne sans pierre, c'est parfait... Je retourne vers mes compagnons et leur dit qu'il est nécessaire de ce reposer. Je regarde mon bâton et constate qu'une dernière pierre brille faiblement avant de se disperser au vent, en poussière.

Il me restait donc une pierre... Je regarde autours de moi et constate qu'un rocher est cassé. J'ai dû confondre le bruit de ce rocher qui se casse avec celui d'une de mes pierres. Je ne vais donc pas mourir. Mais je devrais. 

Je prends la parole.

— Écoutez, le dernier sort que j'ai lancé, le Jugement Divin, va me vider de mon énergie vitale à la tombée de la nuit. Je suis désolé, c'est le prix à payer pour l'avoir lancé sans pierres.

Ils accusent le coup. Leur visage passe d'abord par la stupéfaction, puis la colère et enfin la tristesse. Ils se retiennent de pleurer et Léod prends la parole.

— Je suis désolé papa, c'est de ma faute. Si je n'avais pas été blessé, tu n'aurais pas gaspillé ta dernière pierre pour moi.

— Ce n'est pas de ta faute Léod, personne ne savait ce qui allait arriver. J'ai fait mon choix, tu ne dois pas t'en vouloir.

En parlant avec eux pendant le reste de la journée, j'avais réussi à les faire accepter ma mort et le fait que ce n'était pas de leur faute. Et tandis que le soleil se couchait, je faisais mes derniers adieux à mes protégés.

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Pendant que la nuit tombe, je me rends compte à quel point Finnéas compte pour moi. Il est le père que je n'avais jamais eu. Et plus l'échéance s'approche, plus j'ai du mal à me retenir de pleurer.

Il se couche pour éviter de chuter lors du retrait de son énergie vitale. Torlak et moi nous agenouillons pour être avec lui jusqu'au tout dernier instant. La nuit était presque là et la teinte rose-orangée du ciel se ternissait petit à petit.

— C'est l'heure, mes enfants. dit-il 

Et son corps commence à se désagréger, comme du papier que l'on brûle. Ces cendres s'éparpillent au gré du vent, lentement. Lorsqu'il est définitivement parti, nous avons entendu le vent nous souffler un "je vous aime, prenez soin de vous les enfants". Ces derniers mots retentissaient dans ma tête sans pouvoir s'arrêter, contrastant avec le silence assourdissant suivant sa mort. Insupportable.

Je fonds en larme, brisant ce silence. Torlak et moi avons pleuré toute la nuit, ne trouvant le sommeil que le lendemain, au petit matin.

Ce jour-là, le lendemain de la mort de Finnéas, nous prenons la route dès notre réveil. Nous arrivons devant le portail de téléportation et le passons sans un mot. Nous passons la semaine suivante à voyager vers l'Empire Carmin, dans un silence de mort.

Lorsque nous arrivons là-bas, nous nous dirigeons vers le palais. Le trajet ne se passe pas comme prévu car les gens nous reconnaissent. Nous finissons le trajet portés par la foule et passons les portes ainsi. Une fois devant l'empereur, ce dernier nous félicite d'abord, puis balaye la salle du regard.

— Où donc est Finnéas ?

— Mort, Votre Altesse.

La réponse est cinglante. L'empereur se fige instantanément avant de reprendre la parole.

—Bien... Nous vous avons préparé une maison dans le quartier riche de la ville. J'aimerais que vous l'acceptiez, même si ce n'est qu'une récompense insignifiante par rapport à vos faits d'arme.

Sa voix était triste. La mort de Finnéas le touchait beaucoup

— Expliquez-moi comment il est mort, s'il vous plaît.

— Il est mort en détruisant Le Fléau, Votre Altesse. Après avoir sauvé ma vie, dis-je.

— Je vois, merci. Vous pouvez prendre congé.

En quittant la salle du trône, nous l'entendons fondre en larme. Nous gagnons notre nouvelle demeure, la mort dans l'âme. La vie doit continuer, même si elle changera radicalement sans Finnéas.

L'Archimage des LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant