Un peu de magie

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C'était génial. On n'a pas travaillé l'espagnol. Je m'en fiche, de ça. De toute façon, tout le monde dit qu'il faut profiter de la seconde, c'est l'année la plus tranquille du lycée.

Je profite plus que jamais, depuis que je ne suis plus avec Samantha. Je veux dire, je ris beaucoup plus, j'aime aller en cours, mon pas est plus léger, je me sens mieux, j'ai un sourire qui me colle aux lèvres. Le monde est soudain plus beau, je danse quand je suis toute seule dans ma chambre, je joue avec Atchoum dans le jardin. Ce genre de petits détails insignifiants, mais qui changent la vie.

Alors, pourquoi je me sens horriblement coupable d'écrire ça ?

• • •

— C'est un journal intime ? Je peux voir ?

Zéphyr s'était approché dans bruit. Il posa ses petites mains sur l'épaule d'Eglantine, dressé sur la pointe des pieds pour mieux voir. Mais trop tard. La jeune fille avait fermé le carnet.

— Non. Et non.
— Si c'est pas un journal intime, pourquoi je peux pas voir ?
— Parce que tu vas vouloir m'en parler après.
— Je suis pas un petit curieux !

Les joues de la lycéenne s'embrasèrent. Elle planta son regard dans celui de son cadet.

— Tu l'as déjà lu, hein ?

Le chasseur d'aliens se balança d'un pied sur l'autre, gêné.

— C'est pas moi. C'est Ondine.
— Si c'est Ondine, pourquoi c'est toi qui m'en parles ?
— Parce que les frères sont là pour embêter les sœurs, c'est bien connu.

Il esquissa un sourire bancal, les yeux brillants comme s'ils chuchotaient : pardon, je suis désolé, je voulais pas te faire de mal, je t'aime. Églantine afficha une moue attendrie et ouvrit les bras, et Zéphyr s'y blotti, rassuré.

• • •

Il n'avait pas refusé la nourriture, mais se dérobait à chaque approche d'un être humain.

Au pré, il était avec Fragrance, la ponette calme, mascotte du club, qui savait prendre soin des autres. Ça le rassurait, de voir cette jument bien nourrie aux longs poils doux. En fait, même s'il devait faire le double de sa taille, c'était elle qui le protégeait. Parfois, ils partaient tous deux au galop, projetant autour d'eux de la terre humide autour. A d'autres moment, on pouvait les observer, côtes à côtes, leurs regards accrochés au vide. Mais bien trop vite, le grand cheval se souvenait, paniquait et fuyait à toute allure.

Églantine les regardait souvent. Son amie étant blessée, elle ne pouvait plus la monter. Alors, pour passer le temps, elle apprenait à connaître le « nouveau », comme on l'appelait.

Son ancien propriétaire avait été interpellé récemment, accusé de maltraiter son animal. Le pauvre équidé avait été trouvé paniqué, affamé et épuisé. Il n'en avait pas fallu plus pour que le club l'accueille.

En attendant qu'on lui crée de nouveaux papiers, l'hongre n'avait pas de nom. Églantine s'amusait à lui donner des surnoms quand elle l'observait. Elle voyait en lui un doux géant apeuré et chaque moment passé avec lui donnait envie à la jeune fille de le connaître plus.

Hey.

Églantine sursauta. Comme d'habitude, elle n'avait pas entendu Arthus arriver. Le garçon discret s'appuya sur la barrière qui les séparait des deux chevaux occupés à brouter.

— Salut Arthus, ça va ?

Il acquiesça, le regard perdu dans l'horizon, où le soleil se couchait. Même s'il n'était que 17 heures, l'hiver s'installait et la nuit commençait de plus en plus tôt.

— Et toi ?

Églantine hocha la tête, silencieuse. Elle aimait bien le calme d'Arthus, qui ne parlait jamais pour ne rien dire. Ce n'était pas rare quand ils observaient les chevaux tous les deux, sans parler. Il arrivait parfois que les mots soient de trop, c'était le cas entre eux.

Leurs souffles formaient de petits nuages qui se fondaient dans l'air froid du soir.

Le nouveau hennit. Brusquement, très vite imité par Fragrance, il partit au galop dans le couchant, offrant aux deux adolescents un moment magnifique. Tout bas, Églantine murmura :

— C'est magique.

Et Arthus approuva d'un mouvement de tête.

Apprivoiser les NuagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant