Prologue

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La première chose que j'ai fait en sortant de son enterrement c'est de m'en griller une. Ses proches me regardent bizarrement, j'passe pour un gamin dépravé qui fume. Et pourtant, s'ils savaient qu'elle aurait été la première à s'en fumer une, ils ne m'auraient peut être pas regardé comme ça. Ou alors cela n'aurait rien changé. Ou bien ça aurait pu être mon enterrement à moi et mes proches qui la fusilleraient du regard. Qui sait ? Est ce que lorsqu'on est mort, on a la réponse à toutes les questions que l'on souhaite, est ce qu'on peut voir les univers parallèles pour savoir comment cela aurait pu se passer ? Ce serait génial mais vraiment triste, on serait malheureux dans la mort parce qu'on verrait tout ce qu'on a manqué.Et puis la mort est ce que c'est comme une deuxième vie ? Est ce que tu peux mourir une deuxième fois ? Ou alors on se réincarne ? Et si on se réincarne, on se réincarne directement ?

Stop.

J'pense trop,j'laisse tout partir et je ne contrôle plus rien, mes pensées se contentant de défiler pour pallier à la douleur. Tout sera plus dur sans elle. J'sais pas trop comment je vais faire, comme ses parents j'imagine, j'vais faire ce que je peux et continuer à marcher un pied devant l'autre. Et puis j'vais faire quoi des dix milles portraits que j'ai fait d'elle ? J'vais faire quoi de toutes les chansons qu'elle à écrites pour moi ? J'veux pas, j'peux pas l'oublier mais vivre avec des fantômes c'est bien trop lourd, j'ai déjà assez de monde dans mon esprit.

Ma clope s'éteint encore une fois et j'tire un briquet d'la poche de mon pantalon trop grand. C'est son briquet, le bic noir, qu'elle a perdu il y a quelques semaines et que j'avais en réalité emprunté. Je ne lui rendrai jamais. Le vent fait vaciller la flamme et je l'approche du bout de ma cigarette pour la rallumer. Si seulement c'était aussi simple de ramener quelqu'un à la vie, si seulement il suffisait d'allumer une bougie.

J'commence doucement à avancer vers l'arrêt de bus, les gens me regarderons encore avec mes yeux noircis au crayon et mes joues noircies par les larmes, mes vêtements noirs et mes cheveux bleus, j'ai pas le courage d'aller à la fête glauque organisée par son père, j'ai pas le courage de monter en voiture avec sa mère. Je ne saurais pas s'il faut que je ferme ma gueule ou bien s'il faut tenter de combler le vide. Je ne sais jamais ce qu'il faut faire, j'suis sûrement l'être le plus maladroit de la Terre ou même de l'Univers entier.Elle disait que j'étais l'être le plus maladroit jusqu'à Proxima. J'sais pas ce que c'est mais c'est un corps céleste sûrement puisqu'il faut que ce soit plus loin que la Terre.

J'passe sur un passage piéton et j'manque de me faire renverser par une bagnole.Pas ouf mais j'crois que j'm'en fous, j'l'aurais même pas vu si ses pneus n'avaient pas crissé sur l'asphalte.

Dans ma tête une énième chanson.

cigarettes  et violettesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant