J'enchaine les heures de cours en souriant, au premier rang, notant chaque mot des profs pour m'occuper, pour ne pas penser trop vite, partir trop loin. Dans la marge de mes cours, dans chaque cahier, sur chaque feuille, un œil, une bouche, une mèche de cheveux ou même le visage auquel chaque détail appartient. Lys est partout. Dans mes pensées, sur ma peau, dans ma trachée et même dans mes poumons. Sa veste bicolore bleue et noire qui l'accompagne partout, où disparaissent carte de transport, tabac, briquet, téléphone et je ne sais quoi d'autre. La robe de l'arrêt de bus, le short et le collant résille de ce matin avec le sweat banal noir et toujours les docs. J'pourrais la dessiner a longueur de journée, en faire un personnage de roman graphique.
La cloche sonne, signant la dernière heure de la journée, mettant fin à la torture sourde qui me tue à petit feu sans que je ne dise ni ne fasse rien. Je suis un gentil petit humain qui fait tout ce qu'on lui dit par peur de la rébellion, du changement, du pire, et même du mieux.
J'range mes affaires, j'm'attarde pas, je cours, je vole presque à l'arrêt de bus en espérant qu'elle y soit encore ou que j'arrive avant elle. Elle est pas asise sous l'abribus, ni appuyé sur les parois. Elle n'est pas contre le poteau et personne ne fume. J'laisse passer un bus, un deuxième avant qu'elle arrive et il commence à pleuvoir.
Elle se pointe enfin et je suis presque en colère contre elle de m'avoir laissé attendre alors qu'elle n'en savait rien, on ne s'était pas donné rendez vous et elle ne prend même pas le même bus que moi et pourtant je suis encore là. Elle ne dit rien, se met a coté de moi et me tend une clope.
-déjà accro ?
Si je dois passer pour un toxico pour continuer de la voir, je suis prêt à fumer un paquet entier un dix minutes. Je prend le bâton de papier qu'elle me tend et sort le briquet que je suis allé acheter lors de la pause de midi. Première fois que je rentrai dans un tabac, jamais eu le coeur qui battait aussi vite de ma vie. Pour un briquet. J'ai même eu peur que le buraliste me demande ma carte d'identité.
J'ai toujours pas dit un mot, elle connait même pas mon prénom et j'ai un peu honte. En même temps je sais pas comment elle me perçoit mais j'aime l'idée d'être juste un être humain pas trop bavard. J'espère qu'elle me trouve joli parce qu'elle est vraiment magnifique et je sais qu'il faut que je me calme. Pourquoi je lui plairais ? Pourquoi elle m'aimerai moi ?
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cigarettes et violettes
Romanceremonter le temps est impossible, comment restera-t-elle dans ma mémoire ?