J'marche toujours sans penser à rien d'autre que de mettre un pied devant l'autre. Le trajet me semble infiniment long et tellement court à la fois mais j'm'en fous. J'ai l'impression de marcher si vite, c'est limite si j'cours sur les passages piétons et en même temps l'trottoir s'allonge, comme s'il était sans fin à s'étirer encore et encore. J'fais un pas et j'ai l'impression de reculer de deux. J'arrive dans ma rue et trébuche, j'regarde pas où j'met les pieds et j'manque de me péter le nez mais j'en ai rien à foutre. J'passe le portail, traverse le jardin, mon chat me frôle quand je rentre dans l'pavillon qui a abrité mon enfance et toutes les premières fois qui l'accompagne. Premiers pas, premiers mots, premières dents aussi, premier anniversaire, première baise même si on était plutôt du genre à faire l'amour.
J'dégage mes chaussures, les balance à travers la pièce, l'une des deux heurte le mur violement et il me semble que ma mère râle. J'm'en fout toujours, j'suis dans un état second étrange, j'monte l'escalier en bois qui grince, et m'empêche toujours de faire le mur, à toute vitesse, passe la porte de ma chambre et la claque. Je jette un regard dans le miroir et je ne vois que le crayon noir sous les yeux qui a coulé. Les larmes continuent de dégringoler sur mes joues, elles n'ont pas arrêté depuis que je sais.
J'ouvre ma fenêtre, sort de quoi le rouler une clope puis la fume, appuyé sur le cadre, je sais que ça va puer et j'vais encore me faire embrouiller mais j'en ai trop besoin. Mon regard dévie vers les branches d'arbres entremêlées. Sur une fourche, un nid est posée et plus bas on peut apercevoir un nichoir que mon père avait mis il y a quelques années. Le matin avant j'entendais les oiseaux gazouiller. Je ne me sens plus capable de les entendre. Ils signifieraient un renouveau que je ne souhaite pas encore.
J'aurais dû m'rouler un joint, ma tête tourne mais pas assez. J'veux plus pouvoir tenir debout, j'veux m'défoncer puis tituber jusqu'à mon lit et trébucher pour finir à moitié dessus, étalé comme une grosse merde. J'veux dormir et m'réveiller demain nu sous la couette et elle à coté de moi avec son sourire d'elfe. J'veux me réveiller contre son corps tout doux, effleurer ses épaules ses seins et son ventre du bout des doigts avant de lui faire l'amour, préférant les galipettes aux heures de cours barbantes qui rythmait ma vie quelques mois avant.
VOUS LISEZ
cigarettes et violettes
Romanceremonter le temps est impossible, comment restera-t-elle dans ma mémoire ?