Gentillesse et naïveté se confondent souvent. La gentillesse est un acte conscient, on peut choisir d'être gentil. La naïveté est plutôt un trait de personnalité. On ne choisit pas d'être naïf, on l'est ou on ne l'est pas. Et quand on est à la fois gentil et naïf, il faut prendre garde à ne pas devenir tout le contraire. Oui, être trop gentil et naïf peut rendre méchant et méfiant. Peut-être pas méchant, c'est un peu fort ; en tout cas conscient que les autres ne sont pas forcément bienveillants avec nous.
Voilà le débat qui maintenait Emma éveillée en cette nuit chaude de mois de Juin. Elle avait retourné ses oreillers plusieurs fois, ouvert la fenêtre et les volets, mis en route le ventilateur, la chaleur l'empêchait de dormir. A moins que ce ne soit le bruit du ventilateur, alors elle l'éteignit, puis n'en pouvant plus à nouveau, le remit en route. Deux heures trente trois du matin, toujours rien. Et si ce n'était pas à cause de la chaleur que le sommeil ne venait pas. Les douleurs aux lombaires l'empêchaient de trouver une position confortable. Puis ce fut aux jambes que les douleurs se firent sentir, une pesanteur, des picotements. Elle mit un oreiller sous ses jambes pour les surélever mais elle savait qu'elle ne trouverait pas le sommeil sur le dos. Cette nuit est foutue, pensa-t-elle. Le chat se mit à miauler, il voulait probablement sortir. Elle sortit de son lit, complètement nue et se dirigea vers la fenêtre du palier. Bien que seule au milieu de la nuit, dans sa maison sans vis-à-vis, Emma s'enroula dans le rideau de peur d'être vu nue. On ne sait jamais. Elle ouvrit la fenêtre et le chat fit un saut vers l'extérieur. La nuit était étoilée, belle, sereine. Tout le contraire de son état d'esprit. Cette vue étoilée pourtant ne l'apaisait pas. Emma s'agaçait d'être si agitée. Un tour dans la salle de bains lui ferait peut-être du bien. Toujours dans le noir, Emma descendit l'escalier, éclairé entre les marches par la box et le voyant lumineux de la télé qui se trouvaient en dessous. La fraîcheur du carrelage de la salle de bains lui fit reprendre son souffle, quel soulagement!. Elle décida de s'asseoir quelques instants sur le sol pour ressentir la fraîcheur et se masser les jambes avec son gel à la lavande. Sous le meuble du lavabo, elle aperçut un manche noir, elle tira dessus, c'était son miroir, celui qu'elle cherchait depuis plusieurs jours. Elle se contempla quelques instants.
- Alors on en est là ma belle. Assise au milieu de la salle de bain à trois heures du matin, seule, même le chat est parti pour la nuit.
Emma sentait un poids comprimer sa poitrine, sans comprendre ce qui lui arrivait, elle éclata en sanglots. Ce n'est pas la vie qu'elle s'était imaginée. Non, elle ne pensait pas qu'à trente trois ans, elle serait seule dans une petite maison à la campagne, seule avec son chat Ragnar, à ne pas trouver le sommeil. Elle avait toujours pensé qu'à cet âge là au moins, elle aurait quelqu'un dans sa vie, peut-être même un enfant, même si cela n'a jamais été sa priorité. Peu importe, le métier qu'elle aurait pu faire. Elle voulait s'amuser, sortir, danser et voyager. Vivre près de chez ses parents, de sa meilleure amie. Avoir un homme qui a un esprit aventurier, indépendant, qui rechercherait la passion, une femme à aimer et non une bobonne ou une maman en second. Emma pensait à ce que sa vie aurait pu être si ses choix avaient été autrement. Si elle avait su trouver les bonnes répliques quand on lui avait fait des reproches, comme sa cheffe cet après-midi, encore une réflexion, injustifiée et non constructive, simplement pour être blessante. Pourtant, à cet instant, elle en était là, à se demander ce qu'elle foutait là, à ce moment précis. Soudain, toutes ses pensées se mirent à tournoyer dans sa tête. Non, ce n'est pas elle le problème, les insomnies, ne sont pas à cause de la chaleur, les maux de dos, ne sont pas à cause de son matelas ou de son travail, non les sensations de jambes lourdes et de picotements ne sont pas dues à de l'inactivité. Son corps appelait à l'aide, elle le sentait crier, elle l'entendait la supplier. Son âme lui parlait à travers ses sensations. Elle en était sure à présent, il lui fallait chercher les causes de son mal-être physique. Elle posa le miroir sur le rebord du lavabo, redressa la tête devant le grand miroir. Son regard était triste, ses yeux cernés, son teint terne. Il fallait que ça change. Appuyée sur le rebord du lavabo, elle se pencha vers le miroir, se sourit :
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Emma Asgored
Short StoryEmma, la trentaine passée, étouffe. Différents maux la rongent. Petit à petit, elle va en comprendre l'origine, et (re)construire sa vie, comme elle le décide. Comment dire merde à tout quand on est bien élevée, polie et respectueuse? Comment avance...