Emma Asgored

Chapitre 10

Philippe donna rendez-vous à Emma le soir même. Deux maisons à visiter. La première était une maison en brique rouge mitoyenne à une maison semblable. Les volets étaient peints en bleus foncés, des jardinières ornaient le rebord des deux petites fenêtres. La porte, du même bleu que les volets, était en bois. C'était plutôt mignon de l'extérieur bien que la route nationale soit à deux mètres de la porte d'entrée. Les propriétaires, un jeune couple, se présentèrent. Philippe expliqua alors qu'ils attendaient leur deuxième enfant et que la maison ne leur correspondait plus. Tu m'étonnes Elton, pensa Emma. C'est minuscule... soudain la maison trembla et Emma surprise, saisit la poignée de la porte d'entrée, qui lui resta dans la main...

-Oh! je suis désolée, bafouilla t elle.

La jeune femme enceinte se mit à rire, et déclara que son mari n'était pas bon bricoleur. Ce dernier toussa pour masquer sa gêne. En effet, cet argument n'allait pas bien peser dans la balance.

- Et la maison qui tremble, c'est souvent ?

Le couple baissa la tête. Philippe prit les choses en main.

- C'est une route nationale, il y a en effet des camions qui passent. La maison est cependant bien bâtie. Il y a une courette et le chauffage est récent. Le prix est également attractif vu sa proximité avec la ville...

Emma pensait que Philippe était en train de lui faire à l'envers. En montant dans la voiture, elle l'interrogea pour savoir s'il était sérieux. Il expliqua surtout qu'il était passé pour montrer à Madame  Menchecourte qu'il s'occupait de ses clients mais que ce n'était pas ce qu'il prévoyait pour elle.

- Viens, je t'emmène maintenant plus sérieusement dans un petit village à vingt kilomètres de la ville cette fois. Il n'y pas d'école sur la commune mais une épicerie et un petit café bien sympa qui propose des soirées à thèmes. Quant à la maison, tu verras, elle est vraiment sympa et je peux encore négocier le prix !

Philippe paraissait tout excité à l'idée de lui faire visiter cette maison. Dans la voiture sa main  frôla celle d'Emma alors qu'il passait une vitesse. Emma retira sa main d'un geste brusque sans même le regarder. Philippe s'excusa alors.

- Ce n'est rien, dit Emma en tournant le regard vers le paysage qui défilait.

- Tu sais Emma, je ne voudrais pas paraître trop entreprenant mais tu as quand même bien remarqué que tu me plaisais...beaucoup.

Philippe avait prononcé ces mots en fixant la route, dans un calme absolu. Emma se tourna vers lui. Elle le trouvait touchant et se sentait fébrile.

- C'est possible oui, avoua t-elle. Tu ne me laisses pas indifférente non plus.

La voiture s'arrêta devant une grande porte cochère en bois peinte en rouge.

- Je pense que je ne suis pas prête pour entamer une relation... ajouta t-elle en détachant sa ceinture.

- Je pense que tu es une trouillarde. Il la regardait avec ce sourire étincelant qui ferait chavirer un navire et tous ses occupants. J'ai envie d'apprendre à te connaître. Vraiment. Je ne précipiterai pas les choses. Et si je ne te plais pas du tout, si je n'ai aucune chance, alors s'il te plaît, dis le moi tout de suite avant que je me ridiculise.

Il avait maintenant une mine triste de petit garçon. La tête baissée sur le volant, les mains sur les cuisses, il faisait penser à un condamné attendant sa sentence. Emma avait envie de se jeter à son cou, de passer sa main dans ses cheveux noirs, de l'attirer à elle et de l'embrasser intensément. Elle respira un grand coup pour se calmer. Alors il leva la tête vers elle, d'une main il lui caressa le visage . Ses lèvres s'approchèrent d'elle, dangereusement. Le baiser qu'ils échangèrent n'était en rien comparable avec ceux qu'Emma avait pu échanger auparavant. C'était un tsunami émotionnel, une extraordinaire sensation. Elle ne voulait pas que ça s'arrête, elle l'embrassait en retour. Le temps semblait les avoir enfermait dans une bulle en suspension dans le monde. Ils étaient aimantés, elle se délectait de ce baiser avec gourmandise.