Emma Asgored

Chapitre 11

Dans sa rue mal éclairée, deux ombres rondes attirèrent l'œil d'Emma . Elle s'approcha, éclairant avec la torche de son téléphone la façade de sa voisine. Fabienne venait d'y accrocher deux panneaux « interdit de stationnement ». Alors là, c'était le pompon, la reine du village s'attribuait des privilèges...si elle vivait en ville, elle se serait faite lyncher, bannir, depuis longtemps. Elle déclarait déjà la guerre aux futurs arrivants. Elle la connaissait très bien, Fabienne était en train de préparer un plan pour dissuader n'importe quel acquéreur...Quelle était la prochaine étape de son plan ?...

L'appartement de Philippe était situé au troisième étage d'un de ces immeubles modernes de la ville. C'était un charmant deux pièces décoré par ses soins. On arrivait directement dans la pièce de vie, face au canapé en cuir noir. Il avait une très grande télé accrochée sur le mur face au canapé. Derrière, une table ronde en verre, des chaises en cuir noir, et un buffet noir laqué sur lequel trônait un katana et un service à thé à l'ancienne mode japonaise. C'était ordonné, chaleureux et masculin en même temps. Philippe avait dressé une table pour deux, sans oublier les bougies. Emma se sentit gênée d'être l'objet de tant de soins et d'attention. Alors pour masquer sa gêne, elle plaisanta :

- Monsieur est un romantique ?

- Monsieur aime faire plaisir aux personnes qu'il apprécie, lui sourit-il.

- Je te savais sensible mais pas si romantique...

- J'en ai fait trop ? paniqua Philippe.

- Non non !! je n'ai juste pas l'habitude, c'est tout. Pour tout te dire, c'est la première fois qu'on me prépare un dîner aux chandelles, alors ça me fait un peu bizarre.

- Alors je suis ravi d'être le premier romantique. Mais attends...

Il s'approcha d'Emma et la fit reculer jusqu'à ce qu'elle soit adossée contre la porte d'entrée. Il glissa ses mains sous son manteau et l'aida à s'en défaire lentement. Puis, il le jeta sur le canapé, saisit le visage d'Emma entre ses mains à fois douces et puissantes, et l'embrassa fougueusement...L'excitation était à son comble.

- T'as raison, c'était un peu trop romantique, on va pimenter un peu la soirée, lui susurra-t-il au creux de l'oreille en la soulevant pour l'emmener sur le canapé...

Pour la première fois, Emma passa la nuit chez son petit ami. Oui, elle pouvait le dire, Philippe était son petit ami. Elle se sentait bien avec lui, en phase, elle était elle-même et n'avait pas besoin de jouer un rôle. Totalement décomplexée. Ni son bourrelet au ventre, ni la rondeur de ses cuisses et les quelques petites veines apparentes sur ses mollets ne l'avaient freinés à se donner entièrement à son amoureux. Elle s'assumait et se sentait femme à ses côtés. De son côté, Philippe, malgré son corps d'athlète-mannequin, lui avait exprimé être quelqu'un qui manquait de confiance en lui. Comme quoi, les apparences sont trompeuses.

Le mercredi matin, à 7h30, Emma arriva devant la crèche. La voiture de Madame BRUNEL était là. Au secours...ça va être l'éclate totale aujourd'hui. Elles se rencontrèrent dans le hall coloré de la crèche, nez à nez.

- Bonjour Estelle.

- Bonjour Emma. Répondit elle sèchement en ouvrant la porte de son bureau sans même lever la tête pour la regarder.

- Ça va ? se risqua Emma en souriant, jaune, très jaune. Elle avait la boule au ventre, elle savait bien que ça n'allait pas du tout ( comme d'habitude mais bon là c'était différent). Les foudres d'Estelle n'allaient pas tarder à s'abattre sur elle.

- Ça va ? ça va comme quelqu'un qui doit rentrer de congés pour recruter du personnel...PFF cracha t-elle en haussant les épaules. Elle balança sa veste sur la chaise de bureau et tapa frénétiquement les mots de passe sur son ordinateur. Je peux tout de même savoir pourquoi tu pars maintenant ? T'as d'autres projets plus intéressants ?