La convocation

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Comme toutes bonnes choses ont une fin et que demain le tome 4 de la Passe-miroir nous dévoilera (enfin) tous ses secrets, le challenge A Fanarts Promise se termine également. Avec celui-ci, cette fanfiction. Merci de m'avoir lue.

Tout s'est déroulé si vite. Il y a peu, Thorn était avec Ophélie sur le bord de la falaise et avait osé l'embrasser, la chaleur sur sa joue lui rappelait sa cuisante déconvenue. Et puis, l'instant d'après, il se faisait emmener en traîneau par les gendarmes de Farouk pour une raison inconnue.. De plus, il n'était pas seul, en plus des sœurs de l'ambassadeur, il était chaperonné par la dernière personne avec qui il aurait voulu être. Il avait tenté de contester mais rien ne fit. De toute la famille animiste, il fallut que ce soit par celle qui l'exaspérait le plus par sa bêtise, son indiscrétion, son manque de tact et de politesse : la mère d'Ophélie!

Ils se retrouvaient maintenant tous assis dans la chambre de la Roulette, celle-là même où Thorn avait assisté à tant de procès. Le lieu était bondé de nobles, de membres de la toile amorphes et bien sûr de Farouk. La mère d'Ophélie s'exclamait de tout mais il ne l'écoutait pas. Que voulait bien vouloir Farouk? Quel caprice avait-il encore inventé pour occuper son ennui? Quel rôle attendait-il de la petite liseuse cette fois-ci ? Thorn aplatissait nerveusement les plis imaginaires de sa robe.

Le silence se fit lorsque l'on fit entrer un homme auprès de l'esprit de famille. Un homme? Non il semblait bien trop petit entre les deux gardes. Thorn, malgré sa mauvaise vue et la distance reconnut Le Chevalier. Thorn comprit. S'il était présent en ce lieu et si bien entouré c'est qu'on avait pu rassembler assez de preuves pour le juger. Il connaissait la peine encourue pour les graves méfaits dont il était accusé. Contrairement à l'assemblée, Thorn détourna le regard car il ne souhaitait pas voir ce qu'il allait se passer. Il le savait, il avait déjà vu Farouk faire ce geste sur le visage de sa mère qui ne fut ensuite plus jamais la même personne. Qui ne fut, depuis ce jour, plus personne.

Pendant ce temps Vadislava courait à perdre haleine. À la vue du convoi venu chercher la petite liseuse, elle comprit que c'était important et s'est précipitée à la Citacielle pour prévenir Mr Thorn. Mais il n'y avait personne à l'intendance, juste le petit secrétaire accolé à son pupitre. Un œil discret de l'invisible sur l'agenda chargé de son maître au dessus de l'épaule de son employé lui apprit le lieu et l'heure du prochain rendez-vous. Elle dû parcourir la moitié du gros rocher volant pour aboutir enfin dans les quartiers reculés de l'administration polaire et retrouver le lieu du rendez-vous discret. Deux gardes surveillaient l'entrée de la salle de réunion alors qu'une petite secrétaire myope se tenait à son comptoir recouvert de piles de documents qu'elle tamponnait.

Vadislava réfléchit à la meilleure manière de procéder. Elle sourit puis se lança, invisible, claqua la porte par laquelle elle était entrée, fonça en direction du pupitre, saisit une liasse de papier, tourna sur elle-même et les lançant dans les airs comme un tourbillon. Les deux gardes surpris par un courant d'air d'une telle amplitude, quittèrent leur poste pour aider la pauvre dame à rattraper les feuilles éparpillées. L'invisible, profita de sa malicieuse diversion pour se glisser dans la salle où elle espérait retrouver Mr Thorn.

Celui-ci était bien présent, enfin son corps car elle ignorait que c'était en réalité Ophélie. Vadislava la voyait de dos, debout, imposante. Elle présidait une assemblée disparate autour d'un grand bureau oval. Une quinzaine d'hommes et de femmes la regardaient, sérieux et attentifs. Ils étaient tous de taille et d'ethnies très différentes. Vadislava comprit qu'il s'agissait des représentants des déchus, dont elle faisait partie, que l'intendant avait prévu de défendre durant les prochains États familiaux.

Et puis soudain, sans raison apparente, les jambes maigres d'Ophélie devinrent comme des cordes, ne la soutenant plus. Elle s'écroula si vite que personne n'eut le temps de réagir. Vadislava, la plus proche, accourut et s'agenouilla près d'elle.
- Mr Thorn, Mr Thorn!
Elle s'était évanouie.

Ophélie ouvrit les yeux et vit le visage de sa mère confuse, derrière elle, un beau ciel couchant. Avait-elle rêvé tout cela? Puis le visage du baron Melchior apparut. Ophélie regarda alors ses mains, gantées et en passa une derrière sa tête, douloureuse. Elle avait dû encore tomber. Le sol de pierre était froid. On l'aida à se relever et elle aperçut des dizaines de têtes indignées qui chuchotaient en se retournant sur leurs chaises. Hébétée de réincorporer aussi subitement et brutalement son véritable corps, elle scruta son environnement. Elle reconnut les sœurs d'Archibald, Farouk et au loin on emmenait un enfant défiguré par un tatouage très impressionnant. Alors que sa mère se scandalisait du traitement qu'on infligeait aux enfants turbulents, Ophélie réalisa qu'il s'agissait du Chevalier. D'après les commérages et paris que s'étaient lancés quelques nobles derrière elle, elle apprit que Le Chevalier était désormais dépossédé de ses pouvoirs. Elle devina: Plus de pouvoirs, plus de sortilège d'inversion de leurs corps, c'était donc bien Le Chevalier qui les avait envoûtés!

Après quelques instants, l'Intendant cligna des yeux et se pinça l'arrête du nez. Thorn avait un soudain mal de tête. Devant lui, Vadislava, visible et inquiète.
- Mr Thorn vous allez bien?
Mr Thorn? Pris d'un doute, il regarda ses mains, longues, fines, masculines! Il avait recouvré son corps!
Voyant qu'il comptait se relever, Vadislava lui dit à voix basse.
- Mademoiselle votre fiancée a été convoquée...
- ...Par Farouk à la Citacielle. Acquiesça Thorn qui récupérait ses facultés.
Vadislava parut surprise mais ne dit rien.
Thorn se leva d'une traite, bien trop vite, et fut pris de vertige. Retrouver son corps, si grand, si haut demandait un temps d'adaptation... qu'il n'avait pas. Il balaya la pièce du regard et ses invités interloqués. Il s'excusa qu'il avait une urgence et quitta la pièce sans plus d'explication.

Quand il arriva dans la chambre de la Roulette, celle-ci s'était vidée hormis quelques badauds. Il investigua et apprit que la petite animiste venait d'être nommée Liseuse familiale. C'est essoufflé qu'il pénétra enfin dans le couloir au parquet étincelant des appartements de l'ambassadeur, si chargés de souvenirs. La porte était ouverte, les scellés levées et Thorn reconnut de dos Patience et la mère d'Ophélie qui s'écartèrent dès qu'elles le virent.

Thorn entra en silence, les sourcils froncés dans la chambre d'Archibald. Ophélie était là devant lui, indemne. Elle ne l'avait pas vu. Elle semblait bien supporter l'échange de corps. Il l'observa, pour la première fois depuis des semaines, en face de lui. Ses cheveux capricieux, ses lunettes colorées, son regard concentré, sa main... non gantée? Qu'était-elle sur le point de faire sur le lit de l'ambassadeur? Il s'écria malgré lui:
- Non!
Elle se stoppa et jeta un regard étonné car elle ne l'avait pas entendu rentrer. Elle rougit, lui aussi. Puis, tout en fixant son regard dans le sien, elle apposa sa main décidée sur le drap chiffonné. Elle voulait savoir.

Épilogue:
Jamais, sur toutes les arches confondues, deux personnes destinées à s'épouser ne se connurent secrètement aussi bien. Ils savaient désormais tout de l'autre, leurs habitudes, leur entourages, leurs aspirations, leurs manies, leur faiblesses et leur physique jusqu'au moindre grain de beauté. Reste à augurer que cela leur serve dans la suite de leurs aventures dont vous en connaissez déjà quelques unes.

La Passe Miroir Challenge A Fanarts Promise 1.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant