Cela faisait cinq jours que Berenilde avait repris ses petites habitudes aux Sables d'Opale. Comme chaque année, on lui avait préparé la plus belle suite de l'hôtel, qui portait d'ailleurs son nom. Sa grâce, sa bienveillance et sa notoriété, étaient connues de tous et les habitants et le personnel le lui rendaient amplement.
Chaque matin, après un bain de lait d'ânesse pour adoucir sa peau, c'est avec un plaisir certain qu'elle continuait à prendre soin d'elle. Posés sur sa coiffeuse, une ribambelle de flacons, d'onguents, de poudres et de parfums. Elle ne vous avouera jamais ses petits secrets de beauté et, bien que la nature et les gènes de ses nobles ancêtres l'avaient gâtée et qu'elle ne portait absolument pas le poids de ses années, elle usait malgré tout de quelques subterfuges mirages afin de masquer ses imperfections. Une crème de chez « Mademoiselle Leonie » pour masquer son teint de grande fumeuse, une poudre « diamant éternel » pour camoufler son masque de grossesse, et bien d'autres petits trucs qu'elle seule avait le secret. Elle choisissait ses tenues avec soin afin de mettre sa silhouette et sa prestance en évidence. Elle avait toujours eu besoin du regard des autres sur elle, besoin de se montrer belle, désirable et dangereuse. Une vraie Dragon. La dernière.
Elle se mit à caresser son ventre qui était devenu volumineux. Elle soupira en pensant au fait que ce serait probablement la dernière fois qu'elle vivrait cette situation et souhaitait profiter de chaque instant. Cette grossesse se passait plutôt bien, relativement peu de nausées, pas de vertiges, ni d'aigreurs d'estomac. Seules ses nuits étaient agitées, ne trouvant pas de position confortable malgré son lit moelleux et la profusion de coussins. Farouk lui manquait.
Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle serait restée à la Cour, auprès de son aimé. Ses grands bras lui manquaient, sa tendresse et son amour. Personne ne comprenait le lien fort qui les unissait, pas même son neveu Thorn qui avait voulu qu'elle se cloître si loin de la Citacielle, du Gynécée et des soit-disant dangers. Elle devait donc rester là, à préparer un mariage de convenance en attendant d'enfanter.
Heureusement, elle avait un peu de distraction avec ces petits animistes. Certes, elle ne voyait aucun intérêt chez les hommes de la famille de sa future nièce. Ils étaient si insipides, si polis, si... fidèles à leur épouse qu'ils ne la regardaient pas comme on la regardait à la Cour.
Elle trouvait les petites demoiselles distrayantes, joyeuses et spontanées, bien moins guindées que les sœurs d'Archibald qui séjournaient également aux Sables au même moment.
Berenilde venait presque à espérer que si elle mettait au monde une fille, elle pourrait un peu ressembler à ces petites coquines qui lui offraient leurs sourires d'admiration. Celles-ci l'avaient surnommée la princesse, surtout depuis que leur sœur leur avait confirmé que son futur époux possédait 9 propriétés dont des châteaux.
Quant à la mère d'Ophélie, elle ressemblait presque à toutes les mères que l'on trouve au Pôle, avec bien moins de distinction et un accent incompréhensible.Mais sa préférée des animistes était sans nul doute l'aînée de la fratrie, une certaine Agathe. Coquette, enjouée, démonstrative, admirative de la beauté de Berenilde, elle ne lui tarissait pas d'éloge et écoutait avec assiduité tous les conseils que la grande dame voulait bien lui donner. Leur commune situation de femmes enceintes les rendrait presque complices. Berenilde trouvait en elle l'oreille attentive et la compagnie d'une jeune personne qui lui manquait. Roseline était souvent absente, elle partait se coucher tôt, s'éclipsait parfois dans sa chambre prétextant une migraine. Comme si, depuis qu'elle avait retrouvé ses proches, Berenilde n'avait plus aucun attrait.
Berenilde regrettait qu'Ophélie ne ressemble pas plus à sa sœur aînée. Que sa présence auprès d'elle aurait été si agréable et bien plus facile! Elles auraient pu se partager tant de bons moments! Cependant, si Berenilde voulait bien se donner la peine d'être réaliste un instant, elle remarquerait que cette Agathe manquait peut-être de discernement et n'avait guerre les épaules assez larges pour survivre au Pôle auprès de son neveu. Contrairement à Ophélie...
Que cette jeune fille pouvait être exaspérante avec sa maladresse et son habitude de se mettre dans le pétrin! Et quel entêtement! Mais Ophélie était si difficile à cerner. Berenilde pensa d'abord pouvoir en être facilement maîtresse mais c'était mal connaître cette petite liseuse pleine de surprises. Et depuis quelques semaines, voilà que la demoiselle se tenait mieux, avait oublié son ridicule accent et prenait plus soin de son apparence. Il était temps! Le mariage approchait et cette petite allait devenir tout de même l'épouse de l'intendant et la génitrice d'une nouvelle lignée, métissée certes, mais bientôt noble.
Berenilde avait vite compris que son neveu n'avait rien fait pour inclure sa fiancée dans leur future vie commune, aussi elle décida qu'il était de son devoir de lui expliquer qui était vraiment Thorn. C'est avec cette idée en tête qu'elle l'emmena faire une visite au sanatorium. Au fur et à mesure que le véhicule approchait de la bâtisse, elle sentait la demoiselle se raidir, ses sourcils se froncer de plus en plus et ses yeux s'assombrir. Afin de tenter de la détendre, elle la taquina:
- Qu'avez-vous donc Ophélie? Avec cette tête que vous tirez vous ressemblez presque à mon neveu!
Thorn sursauta à ces mots et regarda Berenilde les yeux ronds. Elle ne pouvait pas être plus dans le vrai!Berenilde revint de méchante humeur de cette escapade avec sa future nièce. Cette dernière avait été des plus récalcitrantes, refusant de visiter la grand mère et même de saluer la mère de Thorn! Si elle avait été dans son manoir, il pleuvrait en ce moment même des cordes à en fendre la pierre. Quelle ingrate!
Mais les humeurs d'une femme qui porte un enfant, qui plus est d'un esprit de famille, passent forcément par des hauts et des bas. Aussi dès le lendemain, c'est avec un large sourire et sans apparente rancune qu'elle emmena Agathe et Ophélie faire les magasins de l'unique rue commerçante des Sables d'Opale. Agathe avait eu l'idée de demander l'avis de Berenilde sur la robe de mariée qu'avait fait confectionner sa mère chez une couturière réputée d'Anima. La virulence des propos de la Dame du Pôle incita, à bon escient, Agathe de ne pas préciser qu'elle avait collaboré à sa création.
Aux yeux de Berenilde, Ophélie parut soulagée de l'alternative qui se proposait à elle. Cette dernière s'avéra avoir étonnamment des goûts très précis sur ce qu'elle souhaitait, ce qu'elle refusait à tout prix et sur ce qui la mettait en valeur. À la sortie de la boutique, Agathe s'empressa de féliciter Berenilde de la bonne influence qu'elle avait eu sur sa sœur ces derniers mois car elle assura ne pas la reconnaître. Ce compliment toucha Berenilde sans trop être certaine de la dite influence mais toute flatterie était bonne à prendre après tout! Renard les suivait, les bras chargés de boites et de paquets.
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La Passe Miroir Challenge A Fanarts Promise 1.0
FanfictionAfin de patienter jusqu'à la sortie du tome 4 de La Passe-miroir, La Clique sur Instagram à décidé de lancer le challenge A Fanarts Promise. Chaque semaine un thème. J'ai commencé cette fanfiction pour ma participation au 3ème thème : Les personnag...