Ophélie et l'uniforme

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Ophélie rêvait comme jamais auparavant.
Des visages inconnus lui apparaissaient. D'abord une très belle femme aux yeux d'acier se penchait vers elle pour lui parler comme une mère le ferait à son enfant mais elle ne ressemblait en rien à sa mère toute potelée, ensuite un jeune garçon immense au teint porcelaine enfonçait un poignard dans un livre, une partie de jeux de dés entre gamins qui dégénérait, puis des coups, de nombreuses blessures. Parallèlement, de multiples chiffres s'alignaient dans un ordre logique qu'Ophélie ne comprenait pourtant pas. Une angoisse pesante, des mensonges, une quête...

Un bruit strident et répétitif résonna et la réveilla en sursaut. Elle voulut se retourner pour vite oublier cet horrible succession de cauchemars mais son lit semblait étroit et particulièrement inconfortable. Il faisait froid et elle ne trouva pas ses couvertures. Elle se redressa, la nuque endolorie, et compris tout de suite qu'elle n'était pas dans sa chambre Rue de Bains mais dans le bureau de l'intendance. Elle fut saisie par son acuité visuelle. Elle percevait parfaitement tous les détails de la pièce. Elle se redressa sur le canapé dans lequel elle s'était visiblement assoupie sans se souvenir comment et depuis quand elle s'y était installée. La salle glaciale semblait vide de tout occupant, elle sentait le tabac froid et l'encre. C'était visiblement le petit matin.

Le bruit recommença et elle comprit que c'était la sonnerie du téléphone qui l'avait sortie de son sommeil. Le secrétaire de Thorn devait sûrement s'impatienter. Elle sourit en pensant qu'il serait tout aussi étonné qu'elle de la retrouver là. Mais où était l'Intendant et comment se faisait-il qu'elle avait dormi sur ce canapé bien inconfortable? Sa tête lui tournait un peu, c'était habituel depuis son séjour aux cachots de la Citacielle, pour le reste elle se sentait étrangement mieux.

Elle observa le bureau de Thorn. Il avait visiblement mit à profit sa nuit pour le ranger. Elle se souvint avec quel calme apparent il l'avait complément dévasté la veille après qu'elle lui ait conté comment sa propre grand mère lui avait porté préjudice. Elle en frissonna en y repensant. Elle observait avec amusement comment il avait aligné ses ustensiles et sa pile de documents. Il avait également réussi à réparer ce fameux téléphone qui cessa enfin son vacarme.

Les membres engourdis, elle décida de se lever pour se dérouiller un peu mais elle fut prise de vertiges. Elle regarda alors ses pieds avec étonnement. Ils étaient bottés, lui paraissaient loin et elle semblait haute perchée. Les sourcils arqués, elle observa alors ses mains, non gantées. Ses doigts étaient longs et ses articulations noueuses. Elle découvrit alors qu'elle portait un uniforme comme ceux que porte habituellement Thorn lorsqu'il est en fonction. Que signifiait donc tout ceci?

Paniquée, elle courut et arriva en deux enjambées devant la penderie afin de s'observer dans le miroir intérieur. Tout ce qu'elle vit fut Thorn, le regard épouvanté qui l'observait dans la glace. Qu'était-ce donc que cela? Encore une supercherie qu'on lui avait cachée? Elle avait annoncé la veille à son fiancé qu'elle lui faisait confiance et voici qu'elle se trouvait avec son apparence dans son propre bureau!

Elle songea alors à son costume mirage de Mime. Se pourrait-il ? Serait-ce une vengeance de la grand mère? Mais dans quel but? Depuis qu'Ophélie vivait à la Citacielle et même au Pôle elle ne s'étonnait plus de rien.
Elle se passa les mains sur son visage et sur sa tête. Avec la tenue de Mime, elle gardait ses lunettes et ses cheveux longs, même si ils n'étaient pas visibles pour les autres. Là, elle ne sentait qu'une peau mal rasée et des cheveux extrêmement courts, exactement comme le reflétait le miroir. L'illusion était plus que parfaite et le Mirage qui avait conçu ce modèle était un artiste hors pair.

Elle entreprit alors de se défaire de ces vêtements d'homme. Il n'était pas question de lui faire jouer un nouveau rôle, de lui imposer une autre mascarade et encore moins d'endosser le statut de son fiancé qu'elle savait détesté par la majorité des habitants de cette arche maudite. De ses grandes mains, Ophélie dégrafa en hâte la veste rigide à épaulettes, détacha avec vigueur la ceinture du pantalon et déboutonna un à un les nombreux boutons de la chemise immaculée.  Elle fut déconcertée de ne rien lire de tout ce qu'elle touchait. Dans son empressement, elle ne vit pas le miroir ondoyer.

Alors apparut sans prévenir un petit serviteur à la mine imperturbable et à l'uniforme impeccable qui tomba bruyamment à ses pieds en voulant s'extirper de la penderie. Saisie, Ophélie cessa toute action et son pantalon bleu marine, qui n'était plus soutenu, glissa sur ses mollets laissant apparaître au nez de l'intrus deux jambes blanches et longilignes, une paire de chaussettes sombres tenues par des fixes chaussettes et un caleçon ligné assorti.

Le téléphone se remit alors à sonner.

La Passe Miroir Challenge A Fanarts Promise 1.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant