– CÉLESTE –
C'est comme si mon corps tout entier avait été attiré par cette musique. Je me suis sentie happée, complètement aspirée, et je n'ai pas pu aller à l'encontre. La musique a toujours été mon sanctuaire. Je n'ai jamais su en jouer, mais chaque fois que je suis énervée, un morceau de piano suffit à m'apaiser. C'est comme un analgésique, comme une drogue douce, mais sans les effets secondaires. Seulement un bien fou.
Alors j'ai suivi la mélodie, comme si le fil d'Ariane se déroulait devant moi, et c'est comme ça que j'ai atterri devant la porte de la salle de musique, juste assez entrouverte pour me laisser apercevoir le dos de Côme. J'ignore pourquoi il est toujours à l'endroit où je l'attends le moins. Mais il me surprend sans arrêt.
Son buste bouge au rythme de sa musique, au fur et à mesure que ses mains se déplacent avec aisance sur le clavier, et c'est un spectacle complètement fascinant. Je ne saurais dire ce qui me pousse à rester là, à l'observer dans le plus grand des silences, mais le fait est que je n'arrive pas à décrocher mon regard. Peut-être est-ce seulement parce qu'il joue un morceau de Ludovico Einaudi et que je porte un amour inébranlable à ce compositeur ? Peut-être est-ce la passion qu'il met dans chacun de ses gestes ? Ou bien peut-être est-ce un tout ?
Mais le résultat est le même : je suis... subjuguée.
Je ferme les yeux, à moitié appuyée contre la porte toujours entrouverte, et je me laisse bercer par les notes qui m'emmènent ailleurs. Un ailleurs si doux que j'oublie tout.
Tout d'un coup, la porte grince sous mon poids et la musique cesse. Merde. J'ouvre les yeux lentement, consciente que fuir en servirait à rien ; je suis repérée, c'est certain. Côme est là, toujours assis sur le siège du piano, mais il m'observe, un demi-sourire sur les lèvres.
— Désolée, je... je...
J'essaye de trouver une excuse, mais je bégaye comme une idiote.
Trouve quelque chose ! m'ordonne ma conscience.
Mais je ne trouve aucun mensonge. Alors autant dire la vérité, pour une fois.
— J'ai entendu la musique depuis le couloir, et je ne sais pas... J'adore Ludovico Einaudi, avoué-je doucement, comme s'il s'agissait là d'un honteux secret.
Mais ne sois pas si timide !
Pourquoi je réagis comme ça ?
Il me fixe, ses yeux noirs scotchés aux miens, et me sourit doucement.
— J'aime beaucoup ce qu'il fait aussi. Et j'adore ce morceau.
— Experience, c'est ça ?
— C'est bien ça, acquiesce-t-il.
J'hésite, avant de demander :
— Tu veux bien le rejouer ?
Il hoche la tête, puis se retourne vers le clavier, me laissant de nouveau une superbe vue sur son dos. Je rentre franchement dans la salle cette fois, laisse tomber mon sac à main qui me cisaille l'épaule, avant de suivre le même chemin et de m'asseoir à même le sol.
Il reprend depuis le départ, la partie plus calme du début que je n'avais pas entendue. Je ferme les yeux, les genoux ramenés contre ma poitrine, jusqu'au moment où le rythme de la musique s'accélère, embarquant tout mon être au passage. J'ai écouté ce morceau tant de fois, seule dans ma chambre. Le front posé sur le sommet de mes genoux, je sens une larme rouler le long de ma joue droite, puis une deuxième, suivie d'une multitude d'autres.
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Les astres brilleront toujours
RomanceCéleste est une jeune fille sulfureuse, provocante, mais avant tout joueuse. Son attitude de rebelle effarouchée en repousse plus d'un, mais qui pourrait se douter que derrière son tempérament de feu et son regard de glace, se cache un passé qu'elle...