CHAPITRE 21 - Céleste

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Céleste, 10 ans plus tôt –

Il fait chaud ce matin, même maman est rentrée dans l'eau pour se baigner avec nous. Enfin, papa l'a un peu forcée. Elle rigolait en criant "Lâche-moi !! Lâche-moi, Fred, je n'ai pas envie d'être mouillée ! AAAH !". Et c'est comme ça qu'elle a fini dans l'eau avec nous.

J'ai cru qu'elle était en colère au début, papa et maman se crient souvent dessus, je les entends la nuit quand je suis dans ma chambre et que je fais semblant de dormir. Et puis elle a commencé à rire, alors papa et moi on a ri avec elle.

Maman a envoyé de l'eau sur papa, et il lui a dit :

— Oh toi, tu vas voir ce que tu vas voir !

Et il lui jette de l'eau dessus en retour, alors moi aussi je m'y mets.

Papa me soulève et me lance haut dans les airs. Je fais un gros plouf dans l'eau et ouf, mes brassards me font vite remonter.

— Marie, viens vite voir comme Céleste nage bien !

— Fais attention à elle, Fred ! lui lance-t-elle depuis la plage.

Papa me laisse de l'espace pour que je puisse bouger dans tous les sens. C'est la première fois que j'arrive à nager sans brassards. Et je flotte ! Faire la grenouille avec les bras et les jambes. Faire la grenouille avec les bras et les jambes. J'arrête pas de le répéter dans ma tête pour pas oublier.

— Viens voir, maman ! Papa ne me touche même pas, je nage toute seule !

Papa regarde vers maman, il lui dit de nous rejoindre, mais elle dit que l'eau est trop froide et qu'elle est bien mieux sur la plage. Déconcentrée, je lève la tête pour essayer de voir maman sur la place, moi aussi, mais mon corps bascule et je sens que j'avale de l'eau. C'est froid et salé. Je bouge les bras et les jambes mais je n'arrive pas à me remettre sur le ventre. Je bois de plus plus d'eau, ça me pique dans la gorge, j'arrive pas à parler.

— PAPAAA, je réussis à crier.

Il se retourne immédiatement et se précipite vers moi. J'entends maman qui crie depuis la plage, elle aussi, mais j'ai l'impression qu'elle est loin de moi. Papa m'attrape très fort et il me sort de l'eau.

Il me dépose sur la serviette et maman se dépêche de me serrer dans ses bras pour me rechauffer. Mes yeux piquent de partout, et je tousse fort.

— Comment tu as pu la lâcher des yeux ?! Comment...

— Calme-toi, Marie, tout va bien. Elle va bien.

Mais elle s'énerve encore plus et ses yeux pleurent. Je n'aime pas la voir pleurer, elle a l'air triste et j'ai l'impression que c'est ma faute...

— Comment veux-tu que je me calme alors qu'elle a failli se noyer sous tes yeux ?!

Je tousse encore un peu et j'ai froid, mais maman ne me lâche pas. Elle me dit que ça va aller, qu'elle m'aime très fort, et ça va tout de suite mieux.

Ils se crient encore dessus le soir. Papa et maman pensent que je dors, mais je n'y arrive pas. J'arrive jamais à dormir tout de suite quand ils me disent bonne nuit. J'essaye vraiment pourtant, je ferme les yeux, fort, mais je continue d'avoir plein d'image dans la tête. Je reste toujours couchée, parce que je sais qu'ils me gronderont s'ils voient que je suis encore réveillée, et en général j'invente des histoires et je parle toute seule à voix basse jusqu'à ce que mes yeux se ferment vraiment.

Mais ce soir, je n'arrive pas à me concentrer pour parler toute seule. Ils font trop de bruit. Maman crie encore, comme ce matin à la plage, et j'entends tout ce qu'ils disent.

— Tu n'es qu'un bon à rien !

— Parce que tu crois que tu es la mère parfaite, toi ? Même pas fichue de venir jouer avec ta fille dans l'eau !

— C'est vrai que c'est tellement plus malin de la laisser se noyer !

— Tu m'emmerdes, Marie !

Quand je me réveille le lendemain matin, papa n'est pas là.

— Il est où, papa ?

Maman ne répond pas. Alors je lui redemande, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle me dise qu'elle ne sait pas. Et un peu plus tard dans la journée :

— Il revient quand, papa ?

— Je ne sais pas.

Et je n'ai jamais su non plus.

Les astres brilleront toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant