CHAPITRE 2 - Côme

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- CÔME -

Lorsque nous sommes arrivés dans cette ville, je n'aurais pas imaginé qu'elle puisse être si agréable. Je n'avais jamais déménagé auparavant, et n'avais rien côtoyé d'autre que notre petite ville où tout le monde se connaît. Alors, quand on m'a annoncé que nous allions venir à Bordeaux, j'ai été surpris, parce que nos habitudes allaient être chamboulées. Mais mes parents voulaient s'éloigner de leurs soucis et de cet endroit où tout se sait en moins d'une journée. Ils se sont dit que partir nous permettrait de tourner les pages de notre histoire, pour tout reprendre à zéro et en réécrire une nouvelle. Parce que nous en avons tous les quatre grand besoin.

Lily, ma sœur de neuf ans, déboule en trombe dans ma chambre alors que je suis en train d'enfiler mon t-shirt blanc.

— Côme, dépêche-toi, je ne veux pas être en retard à l'école ! ronchonne-t-elle.

— Mais c'est Papa qui t'emmène, non ?

— Il est déjà parti, du coup Maman...

— Maman te demande de te dépêcher, sinon tu devras aller au lycée à pieds ! termine cette dernière depuis le rez-de-chaussée.

Je souris. Parce qu'elle me fait le coup tous les matins depuis des années, mais qu'elle m'attend toujours. Elle aime bien jouer à la mère psychorigide qu'elle ne sera jamais, mais sa douceur reprend toujours le dessus. Sa naïveté aussi.

— Rejoins-la, Lily, je descends tout de suite.

J'embrasse ma petite-sœur sur le front, avant de l'entendre dévaler les escaliers à toute allure, comme moi à l'époque. Un jour, elle aussi finira par tomber, mais je serai là pour la relever.

Je souffle un coup, récupère mon sac à dos et enfile mes baskets, avant d'emprunter le même chemin que Lily. L'escalier aboutit directement dans l'entrée, où ma mère et ma sœur m'attendent déjà, leurs vestes déjà enfilées et la porte entrouverte. Je file chercher un paquet de gâteaux dans la cuisine et les rejoins en vitesse.

— Pourquoi est-ce qu'il n'est pas là ? demandé-je.

Ma mère pose affectueusement une main sur mon épaule, sans répondre, avant d'entraîner Lily à l'extérieur. Elle est douce, forte, mais je crois qu'elle est surtout fatiguée. Elle aussi attend cette nouvelle vie qui nous a été promise. On l'attend tous les trois.

***

Nous déposons d'abord Lily à l'école primaire. Elle nous embrasse tour à tour, puis sort de la voiture, déterminée. Elle a fait sa rentrée dans sa nouvelle classe de CM1 il y a deux jours, et d'après ce qu'elle nous dit, ça se passe très bien. C'est tout ce qui m'importe. Je n'aurais pas supporté qu'elle soit mise de côté ou ne s'intègre pas. Puis nous arrivons devant le lycée moins d'une dizaine de minutes plus tard. Je pourrais prendre le bus, comme je l'ai toujours fait le soir, mais c'est devenu notre rituel il y a bien longtemps, à ma mère et moi. C'est notre moment à nous.

J'avoue que changer de lycée en plein mois d'octobre de ma terminale n'était pas forcément le meilleur des plans, d'autant plus que je laisse derrière moi les seuls amis que j'aie jamais eus. Mais j'imagine que c'est un mal pour un bien. Et malgré les circonstances, je ferais tout pour ma famille.

— Passe une bonne journée, me souhaite ma mère en se garant en double file devant le portail.

— Toi aussi, Maman.

Je l'embrasse sur la joue, absolument indifférent aux regards qui pourraient nous être portés. Je ne suis pas de ces ados rebelles qui refusent d'être vus en public avec leurs parents. J'aime ma mère et je n'ai pas honte de le montrer.

Les astres brilleront toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant