6. Jinah

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— Tan sait.

    Jinah ne comprenait pas. Comment quelqu'un qui avait vécu trois-cent ans avant eux avait-il pu écrire ça. Elle observa le profil de son partenaire. Il était concentré sur le trajet qu'ils parcouraient pour rejoindre la forêt.

    Ils y étaient presque. Cela faisait déjà un quart d'heure qu'ils marchaient en plein désert. Jinah mourrait de faim et de soif mais ne se plaignait pas.

    — Comment ce Wayen a pu savoir ?

    — Je l'ignore, répondit Tan. Mais son journal m'a bien aidé. J'ai consacré le mois qui a suivi à en apprendre toujours plus sur Aédé. Wayen l'avait déjà rencontré, lorsqu'elle avait quatorze ans. D'après lui, la Princesse était comme surnaturelle. Toujours droite, le visage neutre, les cheveux parfaitement coiffés. Sa peau était blanche comme de la neige. Il écrit qu'il était impossible de deviner ce qu'elle pouvait penser.

    — Elle était sûrement spéciale, mais surnaturelle ? Je n'y crois pas une seconde.

    Tan se tourna vers elle, surpris. Jinah soupira. Ils étaient vraiment différents tous les deux. Alors que lui aimait ce genre de légendes, elle maintenait que rien n'arrivait par magie. Elle sourit, amusée. Ils étaient l'exact opposé des Élus habituels.

    D'ordinaire, les Élus d'Obsèl étaient très terre-à-terre, ils reposaient surtout sur leurs connaissances géographiques et historiques pour remonter la piste. Ils étaient forts et courageux. Tan lui était plutôt du genre rêveur. Il n'avait pas l'air très enjoué à l'idée de se promener seul, ou même accompagné, en pleine nature et hormis la Légende d'Aédé, il ne semblait pas en savoir plus sur la Triade.

    C'était normalement plus le genre des Élues de Kahara. C'était généralement elles, les plus tête-en-l'air et les moins logiques. Elles se reposaient plutôt sur leur diplomatie. Elles étaient souvent celles qui convainquaient tout le monde et particulièrement les Rois et les Seigneurs. L'une d'elles avait même convaincu une Prêtresse de Kahara d'accéder à la pierre. Mais elle en était morte.

    Jinah ne croyait pas à toutes ces facéties. Pour elle, tout avait une logique et existait selon un principe scientifique. Si les abeilles existaient, c'était pour butiner les fleurs et leur permettre de se reproduire afin de contribuer à la vie humaine par le biais de la respiration. La magie et le hasard n'existait pas.

    — Quoi qu'il en soit, reprit Tan. Wayen et mon père disaient vrai. Je pense savoir.

    — Vraiment ? Comme le peux-tu ? Tu n'étais pas né lorsque que l'ancien Roi a caché Dilia.

    — Moi non. Mais Wayen si. En le lisant, j'ai découvert qu'il était le meilleur ami du Roi. Il était le seul, en plus du Roi, à connaître son emplacement. Et le père d'Aédé le savait.

    — Il voulait récupérer la pierre, se souvint Jinah. Il avait besoin de Wayen.

    Tan hocha la tête. Il s'arrêta alors qu'ils atteignaient la lisière de la forêt et se tourna vers elle. Ses yeux bleus brillaient d'un drôle d'éclat.

    — Dans son journal, Wayen dit avoir confié le secret à son fils. Ses derniers mots sont "adieux".

    — Il s'est sûrement donné la mort afin que le Roi n'obtienne pas ce qu'il voulait. Mais il avait besoin que quelqu'un conserve le lieu dans sa mémoire. Afin que Dilia ne soit pas perdue à jamais.

    Tan lui sourit. A priori, elle avait vu juste. En réalité, le jeune homme ne connaissait pas l'emplacement, il savait comment l'obtenir.

    — Le fils de Wayen a certainement transmis le secret à son propre fils, qui l'a transmis à son fils à lui. Et ainsi de suite jusqu'à aujourd'hui.

La Légende d'AédéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant