La Légende d'Aédé

19. Tan

— Je ne laisserai plus jamais ça arriver, promis.

    Jinah cligna des yeux à de nombreuses reprises. Elle détourna le regard ce qui inquiéta Tan.

    — Tout va bien ? 

    — O-oui, marmonna-t-elle gênée. C'est... c'est très gentil ce que tu viens de me dire.

    Tan ne put s'empêcher de sourire. 

    — Je me suis évanoui aussi tu sais, et ces gens nous ont sauvé. Ils disent que le marécage est toxique. 

    Jinah se redressa et l'observa. 

    — Tu as l'air en pleine forme pourtant, constata-t-elle. 

    Tan la dévisagea. Elle en revanche était toute blanche et avait les yeux cernés. Elle avait l'air faible et fatiguée. Il ouvrit la bouche pour le lui dire mais n'y parvint pas. Il ne voulait pas l'effrayer.

    Heureusement, il n'eut rien à dire. Astra entra dans la pièce avant que Jinah ne pose trop de questions. Elle prit trois fioles et une poignée de fleurs. Elle s'installa ensuite près d'eux et tendit les fioles à Tan. Il les prit, d'une main hésitante et l'observa alors qu'elle écrasait les fleurs dans un bol. Elle y ajouta ensuite de l'eau et prit la fiole rose des mains de Tan qu'elle versa également dedans. Elle versa ensuite le liquide jaune dans la fiole rouge. Elle tendit ensuite la "soupe" de fleurs et le liquide devenu orange à Jinah en lui faisant signe de boire. 

    La jeune fille se tourna vers Tan, inquiète. Le jeune homme la rassura en lui expliquant qu'Astra était une guérisseuse et qu'elle l'avait déjà aidé. Jinah but donc les deux mixtures sous le regard attentif de la kala. Quand elle eut tout bu, elle reposa le bol et le flacon sur la table à côté d'elle et déclara se sentir déjà beaucoup mieux. Astra les laissa tranquilles un moment mais Liam passa sa tête dans l'embrasure de la porte.

    — Le chef veut vous voir. Si vous voulez je peux traduire ce qu'il dit. Je sais que vous ne parlez pas le Vékin. Je peux vous l'apprendre aussi.

    — Et si tu allais faire un tour Liam ? proposa une autre voix derrière le jeune homme. Je vais m'occuper de traduire.

    Un homme entra dans la cabane. Tan devina tout de suite qu'il s'agissait du père de Liam. Il avait la peau très blanche, les yeux bleus et les cheveux châtain foncé. Il venait d'Obsèl, c'était certain. Son fils marmonna quelque chose en vékin puis quitta la cabane. L'homme se présenta comme étant le père du jeune homme et leur dit s'appeler Haron. Tan aida ensuite Jinah à se lever et le père de Liam les emmena jusqu'à la maison du chef.

    C'était la plus grande cabane. Elle n'était pas immense mais plus grande que les autres quand même. Haron leur demanda d'attendre le temps que son beau-père sorte de la maison. La femme que Tan avait vu dans la cabane de Jinah plus tôt sortit la première et vint se placer à côté de Haron qui passa un bras autour de sa taille. Le chef sortit ensuite. Ses cheveux gris lui donnaient un air sage et Tan ne put s'empêcher de s'imaginer qu'il devait connaître un million de choses. 

    — Bonjour, fit-il avec un drôle d'accent. 

    — Bonjour, répondirent timidement les deux adolescents. 

    — Je m'appelle Jinah, continua la jeune fille, et voici Tan.

    Le vieil homme leur répondit quelque chose qu'ils ne comprirent pas. Haron leur traduisit alors :

    — Il dit être heureux de vous voir sains et saufs et que vous nous avez fait peur hier. C'est tout à fait vrai, commenta-t-il. 

    Il continua à traduire ainsi tout ce que le chef disait. Ce dernier leur expliqua que le marais était maudit depuis la disparition de la Princesse Aédé, ce qui fit soupirer Jinah. D'après lui, cela faisait des générations que les kali, les prêtresses de ce village, comme Astra, protégeaient les habitants grâce à leurs soins et leurs dons de la médecine. Cela permettait aux chasseurs et aux cueilleurs de partir dans les bois afin de vendre de la nourriture à tous ici. Tan était impressionné par leur intelligence. Plus le chef leur parlait de leur façon de vivre, plus il avait la sensation qu'en réalité, ces gens étaient plus évolués qu'eux mais ne le montraient pas. Il félicita ensuite le jeune homme pour avoir veillé sur Jinah pendant qu'elle était inconsciente. Tan se renfrogna. Il ne méritait pas d'être complimenté. Il avait failli laisser Jinah mourir. En la voyant inconsciente, son premier réflexe aurait dû être de la ramener hors du marécage. Mais il avait voulu y passer la nuit. Un instant de plus et ils y seraient morts tout les deux.