22. Tan

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Tan fut réveillé par des cris de joie. Il ne se souvenait pas de s'être endormi mais cela lui avait fait un grand bien. Il se redressa dans son lit et grimaça. Tout le haut de son corps le faisait souffrir. Bathilde lui avait appliqué une seconde couche de crème la veille et à présent les rougeurs s'étaient atténuées. 

    Il observa autour de lui. La nuit était tombée. Cela lui semblait presque étrange après sa traversée de la vallée. Une drôle de lueur rouge pénétrait dans la cabane sans qu'il n'en connaisse l'origine. Il se leva difficilement et se dirigea vers Jinah. Celle-ci dormait ou était juste inconsciente, il n'en savait trop rien. Le souvenir de ses cris lui fit mal. Encore une fois elle avait souffert. Il secoua la tête pour chasser les pensées coupables qui menaçaient de pointer leur nez. 

    De nouveaux cris attirèrent son attention. Il se tourna vers la porte avant de se souvenir qu'il était toujours torse nu. Il attrapa son tee-shirt puis sortit sur la petite place de terre. Le spectacle qui l'accueillit l'émerveilla. Tous les habitants étaient réunis et chuchotaient des choses que Tan ne comprenait pas. Au milieu de la foule il put discerner la pierre rouge. Celle-ci brillait de mille feux. Tan leva la tête pour découvrir, au-dessus du village, Libey. La lune était aussi ronde qu'un ballon et était devenu rouge sang. Sa lumière éclairait directement la pierre qui renvoyait des reflets rouges sur tous les habitants. Ceux-ci étaient habillés de beaux vêtements blancs. Des robes, des châles, toutes sortes de tissus et de draps. 

    Tan se fraya un passage parmi les gens pour mieux voir ce qui se passait. Une vingtaine d'adolescents était en première ligne. Tous se tenaient la main et avaient les yeux fermés. Au centre du cercle se tenait Bathilde, les mains tendues vers le ciel, les yeux fermés également. Tan pouvait voir sa bouche bouger mais n'entendait pas ce qui en sortait. Tan remarqua alors Daliaé parmi les adolescents. Elle portait une longue robe blanche toute simple et ses cheveux étaient relevés dans une coiffure compliquée. La pierre se mit alors à briller plus fort. Quelques cris de joie fusèrent depuis la foule. 

    Alors une chose extraordinaire se produisit. La lumière rouge augmenta encore et encore puis les trois branches se mirent à briller plus que le reste de la pierre. Trois adolescents, dont Daliaé devinrent alors rouges de la tête aux pieds. Tan retint son souffle tout comme le reste des habitants. La lumière s'éteignit alors brusquement. La pierre redevint terne et il n'y eut plus aucun bruit. Bathilde baissa alors les bras et clama :

    — Libey, uvé pévs di pelné dima, cèsinèn ! Ali, Davy é Daliaé ! Sanès césind uvé eod !

    Tout le monde se mit à crier en réponse à ses paroles. Un petit groupe commença à jouer de la musique et les habitants se mirent à danser et applaudir. Tan observait la scène, déboussolé quand une main se posa sur son épaule. Il se tourna et découvrit Daliaé. La couleur rouge qui la recouvrait plus tôt avait disparu.

    — Tu ne dors pas ? lui demanda-t-elle.

    — Comment je pourrais ? sourit Tan. Alors qu'une fête a lieu ?

    — Ce n'est pas vraiment une fête.

    — Explique-moi. Que faisiez-vous tous en cercle ? C'était quoi cette lumière ?

    — Deux fois par an, trois jeunes du village sont choisis pour aller en pèlerinage au témé...

    — Excuse-moi, la coupa Tan, en fait je ne sais pas ce qu'est le témé...

    Daliaé esquissa un sourire.

    — Le temple. Derrière ces montagnes se trouvent le temple et la pierre verte. Trois d'entre nous peuvent s'y rendre et recevoir la bénédiction vékine. Il n'y a pas de plus grand honneur. Ce soir, j'ai été choisie. Je vais m'y rendre demain. Certaines filles sont même choisies par les Kali pour devenir l'une d'elles. Si on me le proposait, je ne refuserai pas. Pour le moment je suis destinée à être une cueilleuse comme ma mère.

La Légende d'AédéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant