37. Tan

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Tan resta figé un moment. Inquiète, Jinah posa sa main sur son épaule et plongea ses yeux dans les siens. Instinctivement, Tan attrapa sa deuxième main et entrelaça ses doigts aux siens. 

    Tan esquissa un faible sourire.

    — Après tout ce que j'ai appris depuis le départ de la quête, je ne devrais plus être étonné. 

    La Grande Prêtresse se rapprocha d'eux. Les mains toujours liées, les deux Élus l'observèrent et Rénan se mit à côté d'eux.

    — Tout est fini maintenant ? demanda l'homme.

    — La loi affirme que les hommes comme les femmes peuvent devenir souverains, tant que le sang de Véky circule dans leurs veines. Mais Nayan ne le souhaitait pas. Pour lui, seuls les hommes pouvaient gouverner. 

    — Il a fait un vœu auprès des Prêtresses vékines, devina Tan. Et ses descendants n'ont été que des hommes. 

    — Logique implacable comme toujours Tan. Seulement le rêve d'Orderic était d'avoir une fille. On le sait tous aujourd'hui, il était un Roi capricieux qui n'écoutait que ses volontés. Il a ignoré le vœu de son ancêtre et a fait un pacte avec des sorcières vékines malhonnêtes. En échange, Aédé, sa fille, était maudite à jamais. 

    — La Princesse n'a jamais voulu que quiconque souffre comme elle avait souffert, comprit Jinah avec une pointe de culpabilité dans la voix. 

    Tan pressa sa main. Les erreurs n'étaient pas impardonnables. Ses déductions étaient presque justes. Sauf sur le point des motivations de la Princesse Maudite. 

    — Aujourd'hui, la deuxième héritière de Nayan est morte, et a trouvé le repos éternel. Il est temps pour l'autre héritier, de prendre la relève. Le Futur doit l'emporter. 

    — Mais... et Matthieu alors ? demanda Tan d'une voix hésitante. Et Vèl ?

    — La Princesse Maudite n'a pas régné, les deux Princes Oubliés non plus. Orderic n'aurait jamais admis que son fils cadet règne.

    — C'est affreux, maugréa Jinah. 

    — Plutôt que de choisir son fils Orderic a choisi pour lui succéder le fils de son ami et conseiller le plus proche et le plus fiable. Vèl ne possède pas le sang de Véky. Il n'est pas le Roi légitime. Une seule personne peut revendiquer le trône de Mélène.

    Jinah et Rénan se tournèrent vers Tan qui les observa tour à tour. Rénan semblait à la fois fier et hésitant. Tout ce que Tan décela dans les yeux des Jinah fut la conviction qu'elle le soutiendrait toujours quoi qu'il choisisse. 

    Beaucoup de choses se mêlaient dans sa tête. Devenir le Roi d'un Royaume lui semblait inconcevable. Comment lui, simple petit garde, même pas encore officiellement adoubé, pouvait prétendre au trône du Royaume le plus puissant de la Triade ? Il était loin d'être prêt. Loin de se sentir assez mature. 

    Prendre la tête d'un Royaume du jour au lendemain, cela relevait presque de l'impossible. Non vraiment, il n'en était pas capable. Mais alors le souvenir des terres désolées et mortes de Mélène lui revint en mémoire. S'il n'avait pas le choix, au moins son premier objectif serait de rendre la vie de ces gens meilleure. Maintenant qu'Aédé n'était plus de ce monde, tout redeviendrait comme avant. 

    La décision était beaucoup trop grande à prendre en quelques minutes. Et puis personne ne le prendrait au sérieux. Il sortait de nulle part, comment Vèl accepterait de lui laisser la place ?

    Comme si elle lisait dans ses pensées, ce qui était peut-être possible, Zahy se posta face à lui. 

    — Bien qu'arrogant et égoïste, Vèl ne pourra ignorer un ordre de la Grande Prêtresse. Personne ne peut l'ignorer, même lui. Je peux te mettre à la tête de Mélène. Il suffit que tu choisisses. 

La Légende d'AédéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant