9. Jinah

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Il fallut une bonne heure aux deux jeunes pour rejoindre le village. Celui-ci semblait animé. Les rues étaient remplies de monde marchant en tous sens.

    Ils rejoignirent la petite place du village sans mal. Il y avait en son centre une petite fontaine surmontée d'une statue représentant une petite fille avec une couronne de fleurs. Contrairement à un enfant normal, elle se tenait droite, le visage aussi neutre que possible. Elle portait une robe jusqu'aux genoux et ses cheveux, parfaitement lisses, tombaient dans son dos.

    Tan et Jinah restèrent un instant figé devant la statue. Ils échangèrent un regard. Pas besoin de plus pour comprendre qu'il s'agissait d'une statue d'Aédé, enfant. Jinah s'avança plus près. Devant la fontaine, une plaquette en or indiquait :

« A énè aédèl Elina »

    Elle passa sa main dessus alors que Tan la rejoignait.

    — Qu'est-ce que ça veut dire à ton avis ? l'interrogea-t-elle.

    Il secoua la tête en signe de négation tout en haussant les épaules. Jinah savait qu'avant eux, un autre peuple avait habité la Triade, avec une langue qui leur était propre. Tout le monde ne la connaissait pas mais il y avait un mot que tous les enfants apprenaient tôt ou tard : aédé, miracle dans la langue ancienne. Peut-être qu'« aédèl » sur la dédicace avait la même racine. 

    Elle se rendit alors compte que Tan n'était plus près d'elle. Elle se tourna et le vit en train de parler à un passant, un homme d'un âge assez avancé avec une petite moustache. Il souriait jusqu'aux oreilles et semblait extasié sans raison apparente.

    À bien y regarder, c'était le cas de tous les passants. Tous semblaient heureux et arboraient ce même sourire. Cela en était presque perturbant.

    Un autre détail la dérangea. Il n'y avait pas un seul enfant ou adolescent. Seulement des adultes de plus de vingt ou vingt-cinq ans. Il y avait sûrement une raison à cette absence, mais elle ne pouvait s'empêcher de trouver cela bizarre. Une femme portant un panier passa près d'elle. Jinah la suivit du regard. La femme la dépassa, fit le tour de la fontaine puis repassa près d'elle afin de se diriger vers une rue. Jinah fronça les sourcils. Cela n'avait aucun sens.

    Tan revint vers elle alors que le vieil homme avec qui il parlait plus tôt rejoignait la même rue que la femme de la fontaine.

    — Cet homme dit que la demeure du Seigneur de ce village est derrière ces quelques maisons, à la limite du village, rapporta-t-il.

    — Tan, il y a quelque chose qui cloche, tu ne trouves pas ?

    — Qu'est-ce qui te fait dire ça ? s'étonna-t-il.

    Jinah se tordit les mains nerveusement.

    — Pour commencer, ces gens sont tous trop heureux et j'ai l'impression qu'ils marchent sans but apparent. Ensuite je ne vois aucun enfant. 

    — Ils se préparent peut-être à fêter quelque chose.

    — Je ne pense pas.

    — Ecoute, nous n'avons qu'à aller voir ce Seigneur et nous aviserons ensuite.

    Jinah hocha la tête. C'est tout ce qu'ils pouvaient faire pour le moment. Elle jeta un dernier coup d'œil aux passants sur la place puis suivit Tan vers la demeure du Seigneur. Le trajet fut très court. Le village n'était vraiment pas grand et la demeure seigneuriale ne l'était pas plus.

    Une grille en fer barrait l'accès aux gens malintentionnés et un chemin remontait jusqu'à la grande porte en bois. Le jardin était joliment décoré par des fontaines, des parterres de fleurs et des arbustes taillés dans des formes farfelues et compliquées.

La Légende d'AédéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant