Prologue

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Le jour de sa naissance, racontait sa mère, un oiseau chantait à la fenêtre. Ni l'agitation du médecin, ni les cris des femmes du village en découvrant le nourrisson étrangement poilu n'avaient pu le déloger. L'oiseau avait chanté toute la journée.

L'enfant, subjugué, l'avait écouté, sage et chaud contre le sein de sa mère. Les dieux, disait-elle, l'avaient accueilli en musique, avaient envoyé comme dans l'Ancien Temps un aède pour célébrer sa venue. Hunith avait à son tour écouté l'oiseau, admiré le reflet du soleil sur ses plumes de jais et souri lorsque son regard s'était posé sur le petit garçon aux cheveux sombres serré contre sa poitrine.

Au creux de ses bras, le bébé avait gazouillé à son tour.

Le merle noir s'était envolé à la tombée de la nuit. Mais son empreinte mélodique n'avait jamais quitté Merlin. À six mois, il babillait par-dessus les comptines de sa mère. À huit, il les fredonnait. À un an, il les chantonnait. Hunith, attendrie, s'était résolue à lui transmettre toutes les chansons qu'elle connaissait, puis à en inventer de nouvelles. Elle lui avait appris à lire en recopiant avec lui les paroles de ses ballades préférées. Il avait appris à jouer seul, à la seule force de l'écoute et de l'imitation, créait ses instruments à partir de bouts de bois évidés avec minutie. À dix ans, il avait fabriqué sa première lyre. Les villageois, charmés à leur tour par le garçon aux grands yeux bleus et au sourire contagieux qui chantonnait en travaillant la terre, avaient oublié les circonstances inquiétantes de sa naissance. Bientôt, il ne fut plus l'étrange enfant d'Hunith, né avec une fourrure noire qui avait disparue d'elle-même après quelques jours, mais le jeune garçon maladroit aux oreilles décollées qui taillait des instruments dans les roseaux et ne manquait jamais une occasion de s'intégrer aux dernières bêtises en date des jeunes du village.

Merlin ne se souvenait pas de l'oiseau. Il ne se souvenait pas de son chant. Comment aurait-il pu, jeté depuis quelques heures seulement dans le monde ? Il se souvenait de sa première lyre, de ses premiers accords dissonants, de la grimace involontaire de sa mère et de ses encouragements. Mais il écoutait les merles avec une attention toute particulière, autrement que les moineaux, les pigeons, les mésanges, les corbeaux ou les rossignols qui se pavanaient sur les chaumières et l'accompagnaient dans les bois. Il y avait quelque chose dans le chant d'un merle, même après des années passées loin de son village natal, quelque chose qui lui rappelait l'étreinte de sa mère, l'odeur d'Ealdor, quelque chose qui lui donnait envie de fermer les yeux, plonger ses mains dans la terre et laisser sa magie irriguer le sol, parcourir le monde et caresser cette minuscule empreinte de vie qui chantait pourtant si fort.


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Ô Merle BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant