Cache-toi

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Elle lui revint innocemment, par petites bribes. Cela commença un matin. Merlin, un panier en osier rempli de linges propres dans les bras et un second, vide, en équilibre sur le premier, entra comme à son habitude sans toquer dans les appartements du prince, devenus appartements royaux. Il fut surpris d'entendre Guenièvre, sa reine, corrigea-t-il mentalement avec un sursaut de fierté, chantonner à voix basse, concentrée sur les longs cheveux bruns qui échappaient au contrôle de la brosse qu'elle tenait d'une poigne ferme, comme on agrippe un marteau.

Merlin ne put s'empêcher de sourire. Parfois, il revoyait par éclats la fille de forgeron, la roturière élevée pour servir et non pour régner. Il lui arrivait d'apercevoir son amie au bout d'un couloir, vêtue de ses grandes robes de satin pourpre, et de superposer à son image un fragment de passé, de la revoir adresser une courbette respectueuse, se fondre dans la foule d'un marché, disparaître dans l'ombre de Morgane, murmurer respectueusement un titre du bout des lèvres, triturer le tissu rêche de ses jupes froissées. Parfois, il l'entendait à nouveau babiller, se perdre dans ses propres phrases, s'embarrasser d'un mot trop sincère qui lui avait échappé. Il ne restait plus grand-chose de la jeune femme réservée qu'elle avait été. Si elle avait gardé sa douceur et sa bienveillance, Guenièvre n'était plus la servante maladroite qu'il avait rencontrée dix ans plus tôt, attaché au carcan et couvert de fruits pourris. Elle était reine, à présent.

« Merlin ! s'écria-t-elle lorsqu'elle le remarqua dans le reflet du miroir.

— Gwen, salua-t-il à son tour sans réfléchir. Ma Dame, corrigea-t-il immédiatement.

— C'est le déjeuner ? demanda une troisième voix depuis le paravent. »


Cad é sin don té sin

Caladh Nua


Merlin leva les yeux au ciel, répondit à Arthur que non, c'était la moisson du linge sale et que, décidément, la couronne avait fait de lui un ventre sur pattes. Guenièvre pouffa et se remit à fredonner. Hypnotisé par le mouvement de ses doigts dans les boucles brunes, Merlin la regarda faire quelques minutes. Il fut brutalement sorti de sa transe par Arthur qui lui lança une paire de braies sur la tête.

« Eh bien, cette moisson ? nargua-t-il. »

Merlin se retint de lui tirer la langue et plongea le tissu dans la panière. Le fredon de Gwen l'accompagna alors qu'il rangeait la pièce, rassemblait le linge et préparait les papiers d'Arthur pour le conseil. Emporté malgré lui par la mélodie et le timbre doux de son amie, il ne put s'empêcher de joindre sa voix à la sienne. Guenièvre s'interrompit un instant. Face au silence, Merlin se tut à son tour. Arthur, resté penché sur des rapports de patrouilles à la grande table de chêne, releva les yeux. L'espace d'une minute, Merlin se demanda s'il était possible de se liquéfier d'embarras. Mais Gwen se reprit vite, attrapa son regard et se mit à chanter une ritournelle qu'ils avaient autrefois l'habitude d'interpréter ensemble. Elle retourna à ses propres préparatifs comme si de rien n'était. Et Merlin, qui n'avait jamais pu résister longtemps à l'appel de la musique, suivit sa reine. Ils chantèrent doucement, presque timidement, leurs voix se répondant d'un bout à l'autre des appartements royaux. Arthur, une plume oubliée au bout des doigts, ne manqua pas un seul instant de l'échange. Lorsque le silence revint, il rassembla ses esprits et demanda directement à son valet :

Ô Merle BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant