Devil's Eagles T3 : Les ailes de la vengeance

Chapitre 14 : Blizzard

J'ai dû m'arrêter quand j'ai vu cette foutue baraque.
Belle, grande, propre. Un beau jardin. Des moulins à vent de toutes les couleurs.

On dirait notre maison avant que tout parte en couille.
Maman avait garni la pelouse de moulin à vent qu'elle fabriquait elle-même. J'adorais les regarder tourner au gré du vent.

Putain, ça m'a foutu la rage de voir ça.
Ces fils de pute avaient déménagé dans une belle maison en laissant un môme se faire tabasser par son père dans l'appartement pourri d'à côté.

Je n'arrive pas à comprendre comment des gens peuvent fermer les yeux sur la souffrance des autres.
Ils avaient l'air d'être des gens biens sous tout rapport et pourtant...

Je sors de la voiture. Hors de question de conduire dans l'état de nerfs dans lequel je me trouve.
Cherry sort à son tour et contourne la voiture pour me rejoindre.
Il n'y a qu'elle qui soit capable de me calmer.

— Qu'est-ce qui ne va pas, mon ange ?
— Rien, c'est juste... Putain! T'as vu dans quoi ils vivaient pendant que je...

Je n'arrive pas à continuer. C'est trop dur de l'admettre, encore.
Cherry comprend. Elle frotte mes bras de ses mains douces et ça me fait du bien. Son seul contact suffit à m'apaiser.
J'essaye de contrôler ma respiration. Un truc que les psys ont essayé de m'apprendre mais que je n'avais jamais voulu faire. Ouais, je leur en ai fait voir de toutes les couleurs à ces connards.
Et merde, c'est que ça marche en plus ! Je sens la pression redescendre d'un cran.

— Attends-moi là, j'en ai pas pour longtemps.

Cherry met ses poings sur ses hanches et me regarde d'un air mauvais.
Je soupire. Pourtant je suis rassuré de savoir qu'elle ne me lâche pas dans les pires moments.

— C'est bon, tu peux venir.

Je sais que ce n'est pas un comportement approprié pour un biker de céder aux caprices d'une femme. Mais elle a vu autant d'horreur que moi, elle a assez de tripes pour me suivre dans mes délires. Et de toute façon, en devenant ma régulière, elle savait ce que j'étais et elle l'a accepté.

Je dois aussi avouer qu'elle est trop têtue et que je n'ai pas envie de me prendre la tête avec elle. Je suis pas son frère, moi.

Nous avançons vers la maison et je n'ai pas le moindre plan d'action. Nous sommes à moins de deux mètres quand la porte s'ouvre.
Le mari. Propre sur lui, bien habillé, cheveux court, sourire plaqué sur le visage. Comme dans mes souvenirs.

— Bonjour ! J'ai vu que votre voiture est à l'arrêt depuis un moment. Vous êtes en panne ?
— Oui, en effet ! répond Cherry. Pouvez-vous nous aider ?

Sa femme apparaît à la porte. Elle non plus n'a pas changé. Coiffure parfaite, tenue parfaite, maquillage parfait.

— Un soucis, chéri ?

Même sa voix est toujours aussi hautaine. On dirait une bourge.

— Non, trésor, ces jeunes gens sont juste en panne de voiture.
— Fais-les donc venir à l'intérieur ! Il fait un soleil de plomb ! Je vais vous préparer un rafraîchissement.

C'est presque trop facile. Ces gens sont le genre de personne qui inviteraient leur cambrioleur à dîner avant de l'aider à vider la maison.
Si ça continue, ils vont faire le sale boulot à ma place.

L'homme nous invite à nous asseoir dans le salon tandis que sa femme rapplique avec un plateau garni de verres et d'une carafe de citronnade.

Elle nous sert nos boissons. J'ai envie de jouer.

— Vous laissez souvent entrer des inconnus chez vous ? Ce n'est pas très prudent.
— Non, répond la femme. Mais vous avez l'air d'un couple sans histoire.
— Les apparences sont souvent trompeuses, vous devriez faire plus attention.
— Ce n'est pas faux, nous serons plus prudents la prochaine fois.

Il n'y aura pas de prochaine fois, pétasse.

— Vous vous rendez compte qu'il y des gens propres sur eux, qui vont à l'église, que tout le monde apprécie. Un peu comme vous. Ils ont l'air d'être des gens biens, mais ils laissent le gosse de leur voisin se faire tabasser par son père sans broncher.

Madame est mal à l'aise. Tu m'étonnes.
Pourtant, elle fait comme si de rien était. Comme si mon exemple n'était que le fruit d'un pur hasard.
Mais comment pourrait-elle imaginer que le gamin qu'ils n'ont pas secouru puisse se trouver face à eux après autant d'années ?

— Il y a des gens comme ça, lâche l'homme. Malheureusement ! Ma femme et moi...
— Votre femme et vous, dis-je en sortant mon couteau de son étui. Êtes du genre à aider des inconnus en panne de voiture.
— Oui, tout à fait. Pourriez-vous arrêter de jouer avec ce couteau ? C'est assez dérangeant.
— Ah bon ? Mais écouter les hurlements d'un môme battu par son père, ça n'avait pas l'air de vous déranger.

L'homme se lève et pointe son index sur moi, l'air profondément outré.

— Ces accusations sont ridicules ! Partez ou j'appelle la police !

Il est sérieux là ? Je savais que le cerveau humain pouvait occulter certains événements, mais à ce stade, c'est carrément de l'amnésie.

Je ne bouge pas. Il n'est ni le premier ni le dernier à me menacer d'appeler les flics.
Il sort son téléphone de sa poche mais Cherry se lève et pointe une arme sur lui.
La femme pousse un cri de surprise.
Putain, ce que j'aime ma femme.

— Téléphone sur la table, tout de suite !

Cherry est incroyable. Je ne la savais pas aussi autoritaire.

Le couple obéit sans faire d'histoire. Je récupère les téléphones et les écrase d'un coup de talon.

— Vous pouviez appeler les flics pour sauver un gosse et vous ne l'avez pas fait. C'est un peu tard aujourd'hui pour les appeler, vous ne croyez pas ?

Merde. A l'entendre, c'est comme si ça lui était arrivé à elle. Elle a autant la haine que moi.
C'est un peu comme avec Tyler. Je le haïssais comme si j'avais été sa victime.

— Bébé, tu peux les buter si tu veux. Mais penses à mettre un silencieux. Ça résonne loin ces jouets-là.

Elle sort un silencieux de sa poche et me le montre, toute fière, avant de le place sur son arme.
Elle est d'un calme terrifiant. Ça me fout la trique, putain !

— S'il-vous-plaît, supplie la femme. Nous sommes désolés.
— Désolés ? Mon mari a été battu, violé et prostitué parce que VOUS n'avez pas réagi ! Vous croyez qu'être désolés suffit ?
— On ne savait pas...
— La ferme ! ordonne Cherry avant de s'adresser à moi d'une voix douce. Tu es sûr, mon ange ? Je peux ?

Je lui sort mon sourire le plus sadique et m'installe confortablement pour assister au spectacle.