Devil's Eagles T3 : Les ailes de la vengeance

Chapitre 5 : Cherry

Blizzard m'a parlé. C'est la première fois qu'il me parle de lui-même.
D'habitude, il répond juste quand on lui parle. Mais pas cette fois.

Il a raconté son histoire aux autres. Il m'encourage à en faire autant.
Il a beau être froid et distant, je sais que c'est quelqu'un de fiable. Il n'a jamais fait faux bond au club.
J'ai envie de lui faire confiance.

— Je vais vous raconter mon histoire, dis-je sans plus réfléchir.
— En privé.
— Non, Jordan ! Je veux que tout le monde sache ce qui m'est arrivé.

Mon frère se tait et retourne s'asseoir à la table de Kill.

— Je n'ai jamais voulu en parler parce que j'avais honte de ce que j'avais fait. Mais quand Emmeline m'a raconté sa propre histoire, j'ai réalisé que je n'avais pas à avoir honte pour ce que Tyler m'a fait.
J'avais dix-huit ans quand je l'ai rencontré. Jordan venait de se barrer Dieu seul savait où.
Tyler était gentil et attentionné avec moi. J'étais folle de lui. Mais en bon flic qu'il était, mon frère Dylan n'a pas pu s'empêcher de se renseigner à son sujet. Il m'a prévenue que Tyler avait un casier long comme le bras et m'a interdit de le revoir. Tyler m'a assuré que mon frère mentait et qu'il avait arrêté les conneries depuis longtemps.
J'ai préféré croire mon petit-ami plutôt que mon frère. Si bien qu'un jour je suis partie avec lui sans prévenir personne.
Nous avons roulé longtemps. Pour atterrir dans le Nevada. Il me disait qu'il y avait quelque chose que je devais absolument voir là-bas. J'étais impatiente d'y être.
Il s'est arrêté devant une maison immense mais négligée. Je l'ai suivi à l'intérieur. J'avais tellement confiance en lui que je ne me suis même pas posé de questions.
Ce que j'ai vu dans cette maison... Je n'imaginais même pas que ce genre d'endroit puisse exister. Il y avait des hommes qui baisaient des femmes. Certaines d'entre elles pleuraient, d'autres suppliaient pour que ça cesse. J'ai voulu faire demi-tour et me barrer de là, mais Tyler m'a empoigné et m'a obligée à le suivre.
Il m'a emmenée dans un bureau où se trouvait un homme plus vieux.
Il m'a regardée et a dit que je ferais une pute parfaite. J'ai gueulé et je me suis débattue. Tyler m'a giflée tellement fort que j'en suis tombée par terre.
Puis il a dit à l'homme que j'étais vierge. Le vieux a passé un coup de fil et cinq minutes plus tard, un type est arrivé complètement débraillé. Quand on lui a dit que j'étais vierge et qu'il pouvait m'avoir, il a sorti une immense liasse de billet et m'a dit de me déshabiller. J'ai refusé, alors Tyler m'a de nouveau frappé et il m'a déshabillée de force... Il m'a penchée sur le bureau. Le type s'est jeté sur moi et m'a violée pendant que Tyler m'empêchait de bouger.
Jet, je peux avoir un verre d'eau, s'il-te-plaît ?

J'ai envie de pleurer ou de vomir. Peut-être même les deux en même temps. Je bois une gorgée d' eau avant de reprendre la parole.

— Après ça, Tyler m'a emmenée dans la cave et il m'a attaché avec des chaînes suspendues au plafond. J'étais nue, j'avais froid et j'avais peur de ce que allait m'arriver ensuite.
Je ne sais pas combien de temps j'ai attendu. Quand Tyler est revenu, je l'ai supplié de toutes mes forces. Mais il s'est moqué de moi. Il m'a dit que je devais l'appeler maître et lui obéir aveuglement. Il m'a demandé d'avouer un tas de trucs dégueulasses... Que... Que j'étais une pute, que j'aimais... bouffer des queues, que j'étais accro au sperme, et pire encore. Quand je refusait il me frappait encore et encore. Avec des fouet, des ceintures, des cravaches. Pour finir, j'avais tellement mal que je lui ai dit tout ce qu'il voulait entendre...
Il m'a alors détachée en me félicitant et en m'expliquant qu'on pouvait passer à la phase deux de mon dressage.
— L'éducation sexuelle, murmure Blizzard.

Comment peut-il connaître ça ? Est-ce qu'il aurait vécu ça lui aussi ? Tyler m'a dit un jour qu'il y avait des maisons de ce genre partout. Qu'ils y dressaient des hommes et des femmes, et parfois même des enfants.

Blizzard me sourit tristement. C'est bien la première fois que je le vois sourire autrement que quand il est prêt à tuer.

— C'est ça. Tyler m'a initié à toutes les pratiques sexuelles possibles et inimaginables. Je devais faire exactement ce qu'il m'ordonnait de faire sinon j'étais punie sévèrement. Et comme je n'étais pas très obéissante, j'étais souvent punie.
La phase trois était un test. C'est ce que j'ai vu en arrivant dans cette maison. Les filles qui ont réussi la phase deux sont conduites dans le salon. Nues et à genoux, nous attendions les clients et devions les laisser nous faire tout ce qu'ils voulaient. Ça a duré cinq heures durant lesquelles des hommes affluaient. Je n'ai pleuré et je n'ai pas supplié. Je voulais arriver à la phase quatre. Pas parce que j'étais devenue obéissante, mais parce que je savais que c'était ma seule porte de sortie.

Je reprends mon souffle et bois une nouvelle gorgée d'eau.
Je ne suis même pas sûre qu'ils aient tout compris tant je parle vite. Peu importe, je dois en finir.

— Tyler était persuadé que j'étais à sa botte, qu'il m'avais bien dressée. Alors, on est passé à la fameuse phase quatre. Il m'a mise sur le trottoir. Mon premier client m'a embarqué. C'était sa première fois et, vu la tronche de sa bagnole, il ne devait pas avoir beaucoup d'argent. Je lui ai raconté que j'étais obligée de faire le tapin pour pouvoir me payer le voyage pour aller voir mon père qui allait bientôt mourir. Il m'a dit qu'il voulait bien me conduire jusqu'à la frontière si je lui faisais la passe gratuitement... J'ai accepté. Une fois la frontière passée, j'ai fait du stop jusqu'à tomber sur un groupe de filles qui roulaient en direction du Colorado. Elle m'ont embarquée et je suis arrivée ici.
En cherchant un job et un logement, j'ai eu la chance de tomber nez à nez avec mon andouille de grand frère.

Ça y est, ils savent. Je vide mon verre. Blizzard avait raison, ça soulage.
Je me sens tellement plus légère. Mais il me reste encore une chose à dire.
Je me tourne vers Kill. Je peux lire la haine dans ses yeux et dans ceux de mon frère. Cette haine est présente dans leurs yeux à tous.
Mes frères.