Chapitre 4 : Blizzard

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C'est la dernière ligne droite, ou du moins je l'espère.

- De nouveaux voisins ont emménagé. Ils venaient souvent frapper à la porte pour qu'on fasse moins de bruit. La femme était enceinte et elle avait besoin de calme.
Un jour, je l'ai croisé en rentrant de chez un client. J'avais un bel œil au beurre noir. Si on me posait des questions là-dessus, je devais répondre que je m'étais battu à l'école. Ordre de mon père. Encore un mensonge. L'école, ça faisait des années que je n'y avais plus mis les pieds. Bref, la dame m'a posé la question. Je ne sais pas pourquoi j'ai répondu. Peut-être parce qu'elle me rappelait maman, à l'époque où elle souriait encore. Je lui juste dit que mon père me frappait et je suis rentré chez moi.
Le soir même, mon père a de nouveau pété les plombs. Il me frappait à coups de poings et de pieds, pendant que maman faisait son taf dans la chambre.
Quand on a frappé à la porte. On a tous cru que c'était les nouveaux voisins. Les emmerdeurs, comme mon père les appelait. Sauf que cette fois, c'était les flics.
Ça a été un bordel pas possible. Tout le monde gueulait et se tapait dessus. Le voisin est entré, m'a soulevé et m'a amené chez lui en attendant l'arrivée de l'assistante sociale. J'ai vu mes parents se faire embarquer, mais je suis resté là sans bouger et sans parler.
Il y a eu un procès, mais je n'y ai pas assisté. Le témoignage de maman était suffisant pour inculper mon père. Il a écoppé de la prison à perpétuité pour proxénétisme aggravé et maman de cinq ans parce qu'elle ne l'en n'avait pas empêcher.
À partir de là, j'ai vu un paquet de psychiatre, j'ai été trimballé de famille en famille. Je me barrais toujours.
A seize ans j'ai tué pour la première fois. Je venais de m'enfuir de ma famille du moment et je traînais dans la rue quand je suis tombé sur le connard à qui j'avais fait ma première pipe. Je lui ai proposé de remettre ça et il m'a suivi dans une ruelle. J'ai souri avant de lui attraper les cheveux et de lui défoncer le crâne contre un mur encore et encore. Quand je l'ai lâché, il n'était même plus identifiable.
J'ai tellement pris mon pied que j'ai continué. J'ai fait quelques passes pour m'offrir mon premier couteau de combat.
J'ai tué une dizaine de mecs responsables de mon malheur. Puis je suis tombé sur le gars qui s'était chargé de me dresser. Il s'était rangé et avait intégré les Eagles. Alors je me suis pointé au club. Et je l'ai pointé de mon couteau au beau milieu de la grande salle. Le Prez de l'époque, le père de Kill s'est levé et il m'a dit qu'il connaissait son passé. Il m'a dit aussi que si j'était là pour réclamer sa vie, personne ne m'en empêcherait.
Alors, je me suis avancé vers lui, sourire aux lèvres et j'ai offert un magnifique et sanglant spectacle à mon public. Judge pourra vous raconter si ça vous botte.
Le Prez a tellement été impressionné qu'il m'a proposé de faire partie du club. J'avais pas grand chose à perdre. J'ai accepté. Je ne suis pas resté prospect très longtemps. Je tuais volontiers pour le club et mon intégration a été votée à l'unanimité.
Voilà, vous connaissez toute l'histoire.

- J'ai une question ! lance Smart qui est quand même venu. Comme t'es devenu assez calé pour gérer les comptes du club ?
- C'est pas parce que j'ai pas été à l'école que je suis con.
- C'est pas ce que je voulais dire. Je...
- C'est bon Smart ! s'exclame Blade. Tu lui fous la paix ! Le premier qui le fait encore chier, je l'étripe !
- Ouais ! Et je te filerai un coup de main ! lance Razor.

Merde. Pendant toutes ces années, j'ai rien dit. Je redoutais leur réaction, qu'ils me rejettent. J'aurais jamais imaginé avoir droit à leur soutien.

- Si je peux rajouter quelque chose, déclame Judge. Le père de Blizz a introduit un recours en justice et vient de sortir de taule. Ce connard est dans la nature alors qu'il n'aurait jamais dû sortir.

Tous mes frères sont indignés de l'apprendre. C'est un vrai pétage de plombs dans la grande salle. Tout le monde gueule. Si mon vieux était là, il serait mort dans d'atroces souffrances.

Puis ce fut le silence total. Tout le monde regardait vers la porte.
Cherry se tenait là, l'air penaud. Elle semble éteinte. Ça me fait mal. Cette fille est toujours souriante et gentille avec moi, même si je ne lui rends jamais ses sourires.

- Putain ! Cherry!

Snake se lève d'un bond et se précipite sur sa sœur. Cherry se blottit dans ses bras en s'excusant d'être partie. Quand elle se sépare de lui, c'est pour s'adresser au Prez.

- Kill, voici Josh et Emmeline.

Un gamin d'à peine vingt piges et une meuf en cloque apparaissent dans la grande salle.

- Je les ai rencontré dans le squat où j'ai dormi la nuit dernière.
- Un squat ? gueule Snake. T'as dormi dans un putain de squat !
- C'est pas à toi que je cause alors ferme-la !

Snake veut répliquer mais Kill lui fait signe de se taire.

- Emmeline doit accoucher d'ici deux mois. Elle aura besoin d'un logement quand le bébé sera là.
- Drogue ? Alcool ? demande le Prez à la meuf.
- Non, répond-elle d'un voix claire. Je ne touche pas à tout ça.
- Ok, déclare Kill. Et lui ?
- Il cherche un travail, mais personne ne veut l'engager parce qu'il n'a pas de domicile.
- Et je devrais l'aider parce que...
- C'est lui qui vous a appelé pour vous dire où j'étais. Ça vaut bien un service, non ?

Kill et Snake se mettent à rire comme des malades. Je rirai bien avec eux. Cette fille a plus de couilles que certains frangins.

- D'accord et comme tu m'as fait rire, je vais être sympa. Je vais lui filer une piaule et un job. Smart, tu fais les vérifs d'usage. Meryl, tu t'occupes des chambres, si tu veux bien ?
- Bien sûr, pas de soucis.

Cherry reste planté là, les yeux dans le vide. Je connais ça. Je faisais pareil quand je voulais me confier mais que ça ne sortait pas.
Je m'approche et murmure à son oreille :

- Je leur ai raconté toute mon histoire. Essaie, ça libère.

Elle me sourit et hoche la tête, un merci sur le bout des lèvres.

Devil's Eagles T3 : Les ailes de la vengeance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant