Partie 35 - Captive

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J'avais envie de vomir. J'étais complètement ankylosée, je ne sentais même pas le poids de mon propre corps ; mais j'avais cette impression de lourdeur sur ma poitrine qui m'asphyxiait. Mes paupières me paraissaient alourdies et refusaient de s'ouvrir correctement : je papillonnai. 

J'étais dans un état d'amnésie partielle ; je mis du temps avant de me poser la question essentielle : où étais-je ? Je battis des cils et je réussis finalement à ouvrir les yeux, avec une certaine difficulté. 

Il y avait de la lumière, c'était encore un peu flou et vague mais je percevais un néon au-dessus de ma tête, comme une lueur vaporeuse. Mes mains se réanimèrent à leur tour, toutes engourdies, tâtonnant mon environnement : c'était doux et chaud, comme du coton au bout de mon épiderme. Je respirais lentement. Je me sentais si vaseuse, si fatiguée. J'avalais ma salive, j'avais toujours envie de vomir. Ce fut une remontée acide qui me donna une gifle et força mon réveil.

Je me redressai brutalement sur mon séant, plaquant ma main contre ma bouche, m'empêchant de vomir. J'avais connu bien mieux comme réveil. Je plaçai ma main moite sur mon front en geignant, m'épongeant les quelques traces de sueurs qui subsistaient. 

Je battis une nouvelle fois des paupières, je ne voyais plus flou, tout était redevenu clair et distinct autour de moi. J'étais dans une petite pièce qui paraissait confinée, sans fenêtre et dont la porte me semblait bien épaisse et opaque. Les murs reflétaient une couleur froide, éclairée par une lumière blanche plutôt blafarde. Les quelques étagères et meubles qui trônaient-là étaient grossièrement soulignés par l'éclairage, tout comme le lit dans lequel j'étais assise. 

Je savais ou j'étais ; je reconnaissais cette couleur. J'étais dans le Quartier Général de la Police Internationale, à Féli-Cité.

Mon cœur tambourinait furieusement dans ma poitrine, m'inondant soudainement d'un mélange d'émotions désagréables : la peur, la douleur, la colère. Ma mâchoire se crispa. Non, ce n'était pas de la colère, ça me brûlait de l'intérieur comme un incendie puissant et ravageur : c'était de la haine pure. Ma respiration grossissait dans mes bronches, je voulais crier, hurler à m'en rompre les cordes vocales.

Je sentis que mes yeux tiraient ma peau : j'avais beaucoup pleuré ; et malgré l'immense tristesse qui noyait encore mon cœur, je n'arrivais pas à lâcher une larme, avalée par la rancune tenace qui creusait mon cœur. Mes ongles s'enfoncèrent dans ma paume, lacérant ma peau vicieusement ; j'avais besoin de sentir autre chose que cette rage.

Je m'empressai de bondir de mon lit, renversant la couverture à terre. Malheureusement pour moi, mon corps se renversa et je heurtai le carrelage froid de plein fouet. Mes jambes ne suivaient pas et je ressentais encore la piqûre dans ma cuisse. Je tapai furieusement du poing sur le sol.

- Fait chier ! pestai-je en prenant appui sur mes coudes pour me relever.

Je me tenais contre le lit, secouant mes jambes tour à tour pour y chasser les picotements désagréables qui les parcouraient de long en large. Il fallait que je retrouve Saturne, tout de suite. Il était probablement en cellule ou en interrogatoire. Je devais le sortir d'ici ! Je le lui devais amplement. 

Je ne portais plus la petite robe rigide qui se trouvait généralement par-dessus ma combinaison, ils avaient dû me la retirer pour un aspect pratique. Je pris une longue inspiration, essayant de me calmer. Mais comment pouvais-je garder mon calme après ça ?! Comment ?! Je donnai un grand coup dans les médicaments qui jonchaient le guéridon.

Soudain, j'entendis le verrou de la porte se défaire. Je me tendis droite, alerte. La porte s'ouvrit lourdement, sans grincer. 

Dans ma forme physique normale, j'aurais pu m'élancer et les pousser pour m'échapper, mais il valait mieux la jouer finement, mes jambes ne me permettraient pas un tel excès. 

▪ Agent Double ▪Où les histoires vivent. Découvrez maintenant