Partie 40 - Tout part en fumée

95 11 18
                                    

***

À l'angle du couloir, je fis signe à Saturne d'attendre derrière moi. Les agents semblaient venir par ici au pas de course. Je pris une des Pokéballs de ma ceinture, libérant le Pokémon à voix basse :

- Mélokrik, Berceuse.

Je plaquai mes mains sur mes oreilles, jetant un coup d'œil vers Saturne pour lui intimer de faire de même. Le Pokémon lima ses deux longues pattes effilées entre elles, faisant frotter les deux petites ailes noires de son dos. Malgré mes efforts pour me couper de la musique, je pouvais tout de même en percevoir quelques notes qui me donnèrent le tournis. 

Cette mélodie familière ressemblait à un soliste de violon dansant dans le vent ; ma mère s'en servait souvent pour accompagner les berceuses qu'elle me chantait lorsque j'étais toute petite. Le sol répétait en écho les corps lourds de fatigues des agents qui tombaient comme des Bombydous. Je me retournai vers Saturne qui découvrait ses oreilles de ses paumes :

- On va avoir peu de temps pour monter à l'étage, lui murmurai-je, et les agents qui s'y trouvent s'attendront à nous y voir, tu es prêt ?

Il hocha simplement la tête, la mine concentrée. Au moins il avait perdu cette froideur qu'il m'adressait depuis quelques minutes, c'était déjà ça. Nous ne perdîmes pas de temps et gravîmes les marches qui desservaient le premier étage ; le bureau de Beladonis était au quatrième étage. 

Je soufflai en observant le couloir qui s'offrait à nous : les agents sortaient en trombe des pièces, maintenant armés, cherchant les moindres traces d'évasion. Je me fondis avec le mur, régulant ma respiration pour disparaître. Mélokrik attendait mes ordres, profitant de l'accalmie pour lisser ses antennes élégamment. 

Si je lançai Berceuse, les agents au fond du couloir ne seraient pas autant affectés que ceux près de nous, et ça leur laisserait le temps de venir jusqu'à nous ; ce n'était pas la bonne solution. Pourtant, quelques agents venaient dans notre direction, il fallait que je pense rapidement.

- Ils montent les escaliers, m'avertit le commandant à voix basse.

Je serrais ma mâchoire : si je ne faisais rien, nous serions très rapidement encerclés et je doutais que même mes Pokémons, à bons niveaux, puissent rivaliser avec tous ceux des agents réunis. Mais quelle qu'était ma décision, elle devait empêcher la police de filer vers les escaliers de secours, même si je ne pourrais pas tous les retenir. Je débouclai la ceinture de Pokéballs et d'armes que je tendis à Saturne.

- Tiens-moi ça ! maugréai-je en la lui lançant dans les mains.

- Qu'est-ce que tu fais ? m'interrogea-t-il d'un œil courroucé.

- J'ai un plan ! informai-je en fronçant les sourcils, retirant peu à peu la combinaison policière qui engourdissant mes membres, mais pour cela il va falloir que tu me fasses confiance.

Alors que ma combinaison galaxie réapparaissait derrière les plis du vêtement que j'avais subtilisé, j'observai Saturne d'un regard lourd. Il avait le visage amère, figé dans un silence pesant. J'enroulai l'ancien habit sur mon bras alors qu'il me rendait ma ceinture :

- Ai-je réellement le choix ? gronda-t-il d'un timbre grave.

Je me redressai, le toisant maintenant avec amertume :

- Saturne ... débutai-je

Notre attention se porta de nouveau vers les bruits de pas qui résonnaient jusqu'à nous.

- On en parlera plus tard, grogna-t-il.

Ce n'était certes pas le moment mais j'avais bêtement espéré qu'en venant à son secours et en libérant la Team Galaxie, nous retrouverions notre confiance mutuelle. Force était de constater que ce n'était pas le cas. Je décrochai une nouvelle Pokéball de ma ceinture.

▪ Agent Double ▪Où les histoires vivent. Découvrez maintenant