Partie 41 - Cernés par les flammes

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Pendant un instant, je ne savais plus où j'étais, tout était seulement flou et vague. Je n'entendais plus rien autour de moi ; mes tympans sifflaient si fort qu'il m'était impossible d'ignorer leurs cris. Je n'aurais su dire si c'était ça qui m'avait réveillé, ou bien ce picotement qui me prenait à la gorge. 

Tout redevint noir à nouveau, mes paupières ne voulaient pas rester ouvertes. Je ne m'entendis même pas tousser alors que je me râclais la gorge. Je fus reprise d'une quinte de toux en humant l'air : ça sentait la fumée, une odeur lourde qui obstruait mes narines. Mes cils battirent de nouveau : la clarté rougeâtre qui se dessinait vaguement devant ma vision étourdie était étrange : on aurait dit que la lumière dansait. 

Ma tête tournait et chaque respirations étaient pénibles. Je remuai mes doigts : jusqu'ici, je ne m'étais même pas rendue compte que je ne sentais presque plus mon corps. Je me redressai lentement, sonnée. Ma conscience revenait peu à peu. Il faisait une chaleur étouffante, comme si j'étais dans un four. J'avais l'impression que ma combinaison échauffait ma peau. 

Une poussière me tomba dans l'œil et tout revint aussitôt comme une gifle monumentale. Je me frottai les yeux difficilement puis, les paupières plissées, je regardai tout autour de moi. Je comprenais ce qui était en train de se passer et la panique commençait à grossir contre mes veines. Je toussai de plus en plus fort alors que mon souffle se saccadait. 

Mon corps, encore anesthésié par ma perte de conscience quelques secondes plus tôt, me rappela durement qu'il était encore bien vivant. Je me tendis vivement en sentant une douleur contre mon dos. J'y passai mes doigts à tâtons puis regrettai immédiatement ce geste. J'eus comme une décharge : une partie de mon omoplate droite était à vif, la combinaison complètement explosée. 

Mes yeux tombèrent sur mes jambes et mes bras : j'étais parsemées de petites brûlures et de déchirures à de multiples endroits. L'air était presque irrespirable. Je couvris ma bouche de ma main. Maintenant que j'avais totalement recouvré mes esprits, je pus me lever sur mes deux jambes tremblantes. Je cherchai hâtivement autour de moi mais je ne le voyais nulle part.

- Saturne ! criai-je d'une voix rauque qui s'acheva sur une toux grasse et irritée.

La fumée devenait de plus en plus opaque et me piquait les yeux sans vergogne. Je ployai sous ma toux. Mes tympans s'étaient quelque peu remis mais le sifflement persistait en fond. 

Je rappelai à nouveau Saturne, à bout de souffle, les larmes aux yeux, les jambes flageolantes. J'avais l'impression d'être toute seule, entourée de fumée et de flammes qui dévoraient les murs. Tout avait explosé : les bureaux étaient éventrés, consumés par l'incendie, le plafond qui était le support du troisième étage que nous venions de quitter à la hâte paraissait ne même plus exister. De la poussière et des cendres tombaient en quantité sur mes cheveux. 

Le sol fut soudainement secoué d'un tremblement et un horrible craquement grogna au-dessus de moi. Je bondis à terre alors que les restes du plafond s'effondraient à la pointe de mes pieds. Je manquai de souffle, ayant l'atroce impression que mes poumons étaient remplis de fumée et de cendres. Il fallait que je reste près du sol pour avoir encore un peu d'air, c'est ce qu'on m'avait appris en cas d'incendie. 

Je me tirai par la force de mes mains, considérablement ralentie par mes bronches qui me forçaient à me plier de douleurs à chaque fois que je toussais, par mes yeux rouges qui ne cessaient de se fermer à cause de leur irritation, par la lourdeur de mon corps tremblant. 

J'entendis un nouveau craquement provenant du plafond et quelques petits bouts de murs rebondirent sur mon crâne. Je n'aurais pas le temps d'éviter cette fois-ci. Je me recroquevillai sur moi-même, couvrant ma tête avec mes mains. Un bout de plafond s'écrasa sur mon dos. Je poussai un cri qui fut immédiatement couvert par ma toux. Je me sentais si faible. Le feu grignotait ce qui était tombé aussi lourdement sur moi et je savais que bientôt ce même feu allait attaquer mon dos. 

▪ Agent Double ▪Où les histoires vivent. Découvrez maintenant