Partie 25 - "encore courir, toujours fuir"

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Mon yukata était enfin propre et se lissait docilement sous le fer à repasser de la tante de Léa. Je la regardais faire avec une impatience qui me secouait les jambes. Plus vite je me tirerais d'ici, mieux je me porterais. Fixant la planche à repasser, je ne voyais même pas Léa qui s'approchait de moi. Elle posa sa main sur mon épaule.

- Viens ! Je vais te donner une veste pour sortir.

J'acquiesçai avant de la suivre jusqu'à sa chambre, semblait-il. C'était une petite pièce très vive, avec des murs bleus qui rappelaient fortement la mer qui bordait Littorella. Elle était encore un peu vide d'affaires personnelles et le nombre de cartons entassés étaient témoins du récent déménagement. Léa ouvrit un grand placard encastré dans le mur avant de m'en sortir deux vestes assez chaudes. Elle agita les cintres sous mon nez.

- C'est les deux seules qui me sont un peu justes, dit-elle nerveusement en me les tendant, choisis celle que tu veux.

Mon choix se porta vite vers la blanche, assez longue, comme un grand manteau. Alors que je pris le cintre dans mes mains, on toqua à la porte. Je sursautai. Je n'étais pas tranquille. Mon cœur bondissait contre ma poitrine ; mes phalanges comprimèrent le cintre, crispées.

- Léa ! l'interpella sa tante qui repassait encore le yukata froissé, tu peux aller ouvrir s'il te plaît !

- Oui j'arrive ! clama-t-elle avant de se retourner vers moi, je reviens dans deux secondes.

J'hochai machinalement la tête, l'œil viré vers la porte d'entrée. Léa pressa la poignée. L'attente, aussi courte était-elle, fut horrible. Cradopaud contracta ses pattes sur mon épaule. Léa parut étonnée en ouvrant. C'était mauvais signe.

- Bonjour, démarra-t-elle d'une petite voix qui se ragaillardit progressivement, en quoi puis-je vous aider ?

Ce ton était bien trop solennel pour s'adresser à de simples voisins. Instinctivement je me dirigeais vers la fenêtre, agrippant la poignée entre mes doigts, le bras tremblant.

- Bonjour, Police Internationale, résonna la voix de Beladonis à travers le corridor, nous cherchons cette fille, vous l'avez vu ?

La dernière chose que je vis fut le regard de Léa et de sa tante se décomposer en me reconnaissant probablement sur la photo. Je ne perdis pas de temps et ouvris la fenêtre. Le bruit sembla les attirer. Merde ! Merde ! Merde ! Je me hissai facilement et me projetai sur le gazon. C'était très frais, j'avais oublié que j'étais pieds nus.

- Sarah ! entendis-je derrière mon dos alors que je m'élançai dans la rue.

Je n'avais aucun doute sur le fait que Beladonis m'avait reconnu dès la seconde où il m'avait aperçu à la bibliothèque. 

Je fonçai à vive allure droit devant moi, Cradopaud sur mon épaule, mes pieds nus se heurtant à la dureté du sol. Encore courir ! Toujours fuir ! Je freinai subitement alors que les policiers me barraient la route, le souffle court.

- Rends-toi Sarah, disait l'un d'entre eux, on ne veut pas en arriver aux mains.

Moi non plus. De toute façon je n'avais plus la force nécessaire pour me battre au corps à corps. Je profitai de l'amassement en face de moi pour, une fois de plus, couper à travers bois. Je les entendis envoyer des Pokémons à mes trousses ; je n'avais pas besoin de ça ! Ceux-ci détalaient à vive allure entre les fourrés, je les entendais secouer les feuilles sur leur passage. Je ne pouvais pas m'arrêter une seule seconde pour savoir à quelle distance ils étaient de moi. 

Cradopaud se retourna sur mon épaule, envoyant Dard-Venin sur nos assaillants. Je virai à gauche, essayant de les semer ou au mieux de les faire se perdre quelque part dans ces bois. Je pris une pause pour tousser âprement : cette nuit ne m'avait pas fait de cadeaux. Cette seconde de respiration me fut fatale : un Caninos m'avait retrouvé et aboyait avec virulence pour avertir les autres de ma présence. J'eus un hoquet de surprise avant de détaler à nouveau, cette fois-ci poursuivie de très près, une fulgurant montée d'adrénaline dans le sang. 

▪ Agent Double ▪Où les histoires vivent. Découvrez maintenant