Septembre arriva enfin et Alex fut heureux de pouvoir se remettre au travail. En août, il était parti de mauvaise grâce dans une maison que ses parents possédaient au Cap Nègre. Pour la première fois cette année, il avait hésité à quitter Paris. Claire l'obsédait.
Il n'avait plus osé remettre les pieds au Select car s'il souhaitait la revoir il redoutait plus que tout cette rencontre. Qu'aurait-il dit de plus s'il avait pu croiser la jeune femme ? Claire menait la vie qu'elle entendait et, en se remémorant leur brève conversation, au bistro, il comprenait que ses questions l'avaient mise mal à l'aise et qu'elle avait fini par prendre la fuite.
Bien sûr, ses choix le rendaient malade mais il n'avait aucun moyen de la faire changer d'avis. Il était même persuadé qu'elle prendrait très mal toute velléité de sa part d'entamer ce genre de discussion. Il fallait voir comment elle avait réagi quand il lui avait parlé de ça, chez ses parents ! Elle avait été furieuse ! Et quand ils avaient marché au bois de Boulogne, il n'avait pas osé en discuter.
Quoi qu'il en soit, cette soirée lui laissait un goût amer dans la bouche : il se détestait de n'avoir pas su inviter Claire à dîner quelque part avec lui, ce soir-là ! Dans le bois et au bistro il était subjugué par le désir qu'il avait d'elle et ensuite, lorsqu'ils avaient marché jusqu'au métro, il n'avait pas réussi à rassembler ses idées...
Quand il songeait qu'au bistro, elle avait accepté ses caresse, elle l'avait laissée prendre sa main et l'embrasser, son cœur battait la chamade mais, au fond, même après avoir passé deux mois loin de Claire, il ne savait toujours pas ce qu'il voulait d'elle. Je veux la baiser, c'est tout ce que je veux ! Mais il n'était pas certain d'être sincère avec lui-même.
Au fil de l'été, sa mère avait fini par lui avouer qu'elle était soulagée qu'il n'ait pas épousé Séléna, se contentant de lui dire que son ex « ne lui convenait pas ». Il n'en avait rien tiré de plus et comme il ne souhaitait pas donner lui-même de détails sur leur rupture, ils en étaient restés là.
Même loin de Paris, Claire l'avait hanté presque sans arrêt. A Cap Nègre, il ne pouvait croiser une fille brune sur la plage sans penser à elle et, même le soir, il ne parvenait plus à apprécier les veillées qu'il passait avec ses parents et tous les amis qu'ils fréquentaient là-bas depuis des années. Il voyait bien que sa mère s'inquiétait pour lui mais il ne se résolvait pas à lui parler. Qu'aurait-il dit d'ailleurs ?
En dépit de ses hésitations, à peine de retour à Paris, Alex rechercha l'adresse de Claire et la trouva sans peine. L'appartement de la jeune femme était situé rue Rochechouart et, en passant devant un kiosque à journaux, il acheta un magazine pour passer le temps puis prit place dans un café situé en face de son immeuble pour la guetter. Il savait qu'il était ridicule : pourquoi ne pas frapper à sa porte pour lui proposer une sortie quelconque ? Mais les paroles de Jean et de Côme sur ses multiples partenaires le dissuadèrent d'agir ainsi : qu'était-il pour Claire ? Une vague connaissance ? Un ami d'enfance de son frère ?
Après avoir commandé un whisky, il commença à feuilleter le journal et s'attarda sur un article concernant le mariage de Dolorès Machado et Killian Vernet. A croire que les journalistes n'avaient rien de plus intéressant à se mettre sous la dent ! La photo des fiancés lui fit penser à son propre mariage : s'il n'avait pas surpris la conversation de Séléna, il serait marié...
Tout en parcourant le magazine, il ne pouvait s'empêcher de conserver un œil sur la porte de l'immeuble de Claire et, vers dix-sept heures, il eut la chance de la voir arriver. Un homme d'un certain âge, bedonnant et aux cheveux grisonnants l'accompagnait et ils entrèrent dans l'immeuble. Elle portait la jupe noire du Select avec des tennis et la veste de toile noire recouvrait un tee-shirt rose à paillettes. Ils franchirent la porte et Alex eut le temps d'entrevoir une cour pavée et quelques plantes en pot avant que la porte de l'immeuble ne se rabatte sur eux.
L'homme ressortit une heure plus tard. Alex se demanda s'il se faisait des idées mais les cheveux gris n'étaient-ils pas moins bien coiffés ? Et la chemise mal boutonnée ? Il surveilla son immeuble une bonne heure encore mais Claire ne sortit pas. Ce type était-il un de ses clients ? Combien lui avait-il donné pour une heure avec elle ? Et que lui avait-elle fait ? Une chaleur brûlante lui monta au visage en l'imaginant avec un autre...
Pourquoi ce vieux bonhomme et pas lui ? Avisant une femme qui sortait de l'immeuble de Claire, il posa le deuxième verre de whisky qu'il venait de terminer avec un billet sur la table et, abandonnant le magazine, il bondit hors du café. Il eut juste le temps de retenir la porte avant qu'elle ne se verrouille et pénétra dans l'immeuble.
L'intérieur de la cour était assez pittoresque : le sol, dallé de vieux pavés polis par les ans était couvert de jardinières fleuries et des roses trémières fleurissaient le long des murs, entre les pavés. En inspectant les boîtes aux lettres, Alex ne vit pas le nom de Claire. Se retournant vers la loge de la concierge autour de laquelle étaient disposés les bacs de fleurs, il vit son nom inscrit sur la porte. Sans prendre le temps de réfléchir, il frappa et après quelques instant, elle apparut sur le seuil.
– Alex... Sa voix marquait la surprise. Bonjour ?
– Je...
Soudain, le coup de sang qu'il avait eu dans le café lui paraissait puéril. Elle devait sortir de la douche car ses cheveux étaient mouillés et elle portait un pantalon de jogging rose et un tee-shirt gris, informe, qui découvrait son nombril.
– Tu veux entrer pour boire quelque chose ? Elle avait retrouvé son sourire.
– Je... Oui, merci.
– J'avais fait du thé... Tu préfères peut-être un café ?
– Oui... Oui, merci, un café.
Il observa le décor tandis qu'elle s'affairait dans le coin cuisine. L'ancienne loge du concierge avait été transformée en une cuisine-salon-salle à manger. Les larges dalles noires et blanches, en ciment, avait été conservées et les murs peints en blancs. Les fenêtres qui donnaient sur la cour comportaient des parties en vitrail ce qui préservait l'intimité de la pièce du regard des habitants de l'immeuble et éclairait le coin salon d'une belle lumière dorée. Une partie de la charpente était apparente et une fenêtre de toit au-dessus de l'escalier en colimaçon apportait la lumière du jour qui était teintée de rose. La pièce était très jolie, chaleureuse avec quelques théières en porcelaine sur une étagère, un canapé en cuir râpé devant un vieux poêle à bois et des tableaux contemporains aux couleurs chaudes accrochés aux murs.
Claire revenait avec le café et posa sa tasse de thé sur la table.
– Qu'est-ce qui t'amène Alex ?
– Voilà... Je...
Sous son regard de braise, il eut l'impression qu'il ne pourrait pas dire un mot de plus mais le sourire presque tendre qu'elle lui adressa lui échauffa le sang d'un seul coup. Il poursuivit :
– J'aimerai savoir si... enfin... tu serais d'accord pour... Combien tu demanderais pour passer une autre nuit avec moi.
Ça y est. C'était dit. Il ferma les paupières quelques secondes, s'attendant à entendre un rire sardonique ou même à une gifle mais elle se contentait de le regarder, l'air indécis.
– Pour heu... la nuit ?
– Oui. Tu m'as demandé deux cents euros la dernière fois. Je suis prêt à te donner la même chose. Même le double.
– Quatre cents euros ?
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La fille du Select
RomantiekClaire est amoureuse d'Alex, un ami d'enfance et elle est prête à tout pour le séduire...