Psaume 11.

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Je n'ai jamais été amoureux. Je ne connais pas cette sensation que d'aimer quelqu'un et d'être aimer en retour. Cette sensation réconfortante que doit être l'amour. Je n'ai jamais aimé personne et n'ai jamais été aimé de personne.

Parfois je me dis que c'est pour de faux. Que les gens font semblant de s'aimer, que ce n'est qu'une impression de sécurité que l'on ressent pour quelqu'un, que rien ne peut être vraiment aussi fort. Que c'est un veste complot pour faire tourner le monde car nous resterait-il sinon ?

« Il avait quatorze ans. Quatorze ans Kurt. »

Les yeux rouges, le teint pâle et l'air défait, Laureline ne me regarde pas. Elle est entrée dans la chambre comme un fantôme, s'est assise à côté de moi et m'a annoncé que l'on savait qui était mort. Mon émotion n'est pas palpable ; je ne le connaissais pas. Un garçon, un paumé, un malheureux qui trainait par ici depuis quelques semaines. Il n'était pas d'ici et n'avait sans doute plus d'endroit où aller. Il aura choisi le dernier arrêt de sa vie.

« Quatorze ans, c'est si jeune pour vouloir mourir. »

Je hausse les épaules dans mon coin.

« Moi aussi à quatorze ans j'aurai voulu faire pareil. »

A vrai dire ce n'est pas si loin. Elle se tourne vers moi. Ses yeux sont brillants de larmes qui alourdissent ses longs cils noirs. Elle pince les lèvres en venant prendre dans sa main, mon poignet droit. Elle caresse du bout de ses doigts les marques profondes gravées dans ma peau.

« Je sais, elle soupire. C'est aussi ce qui me rend triste. »

Elle renifle bruyamment.

J'avais voulu m'enfuir, souvent. Alors pour être sûr de me trouver là au réveil, on m'attachait à mon lit. Rustï avait eu recours à cette méthode pendant des années, me laissant à peine assez d'espace pour aller jusqu'à la fenêtre de ma chambre. Dans la journée, on me gardait à ma place en surveillant ma consommation de narcotiques qui me gardait sous l'emprise de Rustï. J'étais la seule personne pour laquelle il avait prit autant de précaution. Je n'ai jamais bien compris pourquoi ; la seule chose qui m'empêchait réellement de partir était de savoir « pour aller où ?».

C'était sans doute cela qui m'a rendu fidèle à lui. L'impression d'être aimé, et de l'aimer en retour. J'y ai longtemps cru, que je l'aimais, que je ressentais pour lui cette dévotion, cette passion. Il m'a longtemps fait marcher, c'est qu'il est doué là-dedans. Il m'a donné un toit, je pensais qu'il me considérait, me protégeait. J'ai mis longtemps à comprendre qu'aimer quelqu'un ce n'était pas l'assujettir, le rendre esclave et le retenir.

« Ne sois pas lui, murmure Laureline. »

Je me reprends et me tourne vers son visage tordu de chagrin.

« Quoi ?

- Ne sois pas lui. Je suis désolée d'avoir pas compris que... Enfin avec lui... Tu as raison Kurt, fais tout ce que tu peux pour partir avant d'en finir. »

L'évangile selon Kurt. [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant