Psaume 15.

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Il lui a fallu me ramener à Rustï. La voiture garée devant la maison, le moteur tournant, mon sac à mes pieds, je lui ai demandé de garder le dossier, au cas où. Il a accepté, m'a promis de le faire. Ma jambe tremblait encore, mon esprit s'engourdissait de plus en plus. Pour garder cette petite parcelle de re réalité qui m'a forgé, même si d'y penser me rendait malade. Je lui ai demandé de m'embrasser, au cas où. Il a souri, d'un sourire sincère qui a dessiné de petites lignes au coin de ses yeux. Il s'est penché, a posé ses lèvres sur ma tempe, ses deux mains tenant le reste de mon visage en coupe.

« Je te dessinerai de belles ailes mon Ange. »

Je ne sais pas s'il l'a dit ou si je l'ai rêvé. Je tremble entièrement, si fort que j'en ai du mal à ouvrir la porte de la salle de bains. Je laisse tomber mon sac dans le couloir, je trébuche. La réalité me rattrape quand soudain je vomis dans le lavabo. Je jette mes vêtements où je le peux, j'ai mal. Ma tête tourne si fort que je dois m'assoir dans la douche. Je pleure, des larmes noyées par l'eau qui ruisselle sur mon visage et mon corps. L'eau est froide mais elle brûle ma peau fine. Je voudrais me laver de la douleur, de la noirceur de mon âme. Me laver de tous mes pêchés et de mes vices. Je pris un dieu auquel je ne crois pas de m'aider. Je jure que je serai bon s'il m'aide à m'en sortir. S'il me libère de mes chaînes qui m'entravent.

La lumière s'allume. Je réalise que je n'avais allumé que les LED au-dessus du lavabo, dessinant des ombres inquiétantes dans la pièce. La lumière m'agresse, l'envie de vomir me reprend. Je coince ma tête entre mes genoux en pleurant de plus belle.

« Kurt ? Qu'est-ce que tu fais ? »

Je devine Laureline derrière la paroi de la douche que j'ai mal fermée. Elle l'ouvre quand elle voit que je ne réponds pas et ne donne pas signe de vie. Elle crie quand passant sa main sous le jet, elle sent la température. Elle coupe l'eau. Ses cheveux flottent autour d'elle. On dirait une sirène, ses bras trempés qui dégoulinent sur le carrelage.

« Kurt sort de là tu es bleu ! »

De sa maigre force elle essaye de me tirer mais je suis un poids mort qui refuse d'obéir. Ce n'est pas que je ne veux pas sortir, c'est que mon cerveau de répond plus. Je ne comprends ce qu'elle veut de moi. Elle essuie ses mains sur une serviette puis s'en va. Je pense qu'elle me laisse là à mon triste sort, gelant sur place au fond de la douche. Finalement elle revient, elle tire Karl derrière elle. Lui non plus ne semble pas comprendre ce qu'elle veut, puis il me voit. Sans un mot, elle nettoie le lavabo où j'ai vomi. Lui m'attrape et me soulève comme si je ne pesais rien. Je suis nu et mouillé contre lui, il n'en a que faire. Il me pose contre le meuble, me soutient pendant qu'elle me sèche avec application. Je fixe la porte, un point stable pour ne pas tomber. Ne pas vomir encore. Ne pas pleurer. Aucun des deux ne parle, moi je tremble encore. Alors elle ouvre l'un des tiroirs derrière elle, fouille puis dans le creux de sa main me tend deux comprimés blancs. Ma gorge se serre, mon cœur s'emballe, mon cerveau court-circuite. Je fais un effort immense pour tourner la tête vers Karl, la première chose qui passe. Laureline insiste, elle tend sa main vers ma bouche. Je serre les lèvres.

Alors Karl les prend ces comprimés. J'ai peur qu'il me les fasse arrêter de force. Je ne pourrais pas résister face à lui. Je le supplie du regard. Je le supplie comme je peux. Mais il les jette dans le siphon du lavabo.

« Tu vois bien qu'il n'en veut pas. »

Je ne sais pas comment le remercier. 

L'évangile selon Kurt. [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant