Psaume 4

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"Tout le monde sait qui'l ne faut pas contrarier Rusti."
Je ne lève pas les yeux sur Karole qui rentre dans la chambre en prononçant ces mots. Je me concentre sur le livre que je m'évertue à lire depuis plusieurs jours. Certains mots sont durs à lire mais je refuse de lâcher la dernière chose qui me retient à une part d'humanité. La seule qu'il me reste.
"Et toi, avec tes grands yeux et ta gueule de Sainte-Nitouche..."
Cette fois-ci je la regarde. Debout devant mon lit elle a ce même air que d'habitude, dénué d'émotion. Son visage livide et neutre. Même quand elle me juge ainsi.
"Tu le contraris.
- Je n'ai pas contrarié Rusti, je réponds. Je n'ai rien fait du tout.
- Ah oui ? Il se retrouve obligé de t'envoyer livrer au près du Diable, tu avais des consignes claires, et tu fais quoi ? Tout l'inverse. Tu t'entiches du démon."
Je ris. Je ris qu'elle pense que je me suis "entiché". Je ris de ce surnom qu'on lui donne maintenant que je l'ai vu, le Diable.
"Tu viens défendre Rusti ? Mais qui est le démon, celui a fait de toi ce que tu es, une pute sur le retour accro à la coke, ou un homme que tu ne connais pas ?
- Tu sais ce qu'il fait lui, n'est-ce pas ? Ne mélange pas tout Kurt."
Je la fixe, interdit. Ne pas tout mélanger, respecter Rusti malgré tout. Défendre Rusti par ce qu'il a tout fait pour nous. Par ce qu'il nous loge et nous nourrit. Par ce qui'l nous offre une vie plutot que la rue.
Moi aussi j'avais bien appris la leçon. Mais je l'avais trop entendue, trop répétée. J'avais découvert autre chose.
"Tu n'as jamais rêvé d'autre chose Karole ?
- Ne te méprends pas. Bien sûr que si. Mais je ne rêve pas, tu l'as dit, je suis une pute sur le retour."
Je lui offre une grimace qui je l'espère, exprime un minimum de regret. Je n'ai rien contre elle.
"Tu as raison tu sais. Je sais que dans pas longtemps, Rusti me demandera de faire autre chose, et ce sera peut-être pire. Mais jejne pourrai jamais être rien d'autre que ce que je suis."
Je ne sais pas quoi lui répondre. Son dépit me fait de la peine. Pourtant je sais qu'elle a raison, elle ne sera jamais rien d'autre. Elle n'ira jamais nul part d'autre. Par ce qu'elle a raison, il ne faut pas contrarier Rusti. 
Mais ce soir, malgré mon esprit qui me hurle de faire attention, de ne pas croire, de ne pas me faire avoir, malgré ma raison, j'ai l'espoir. Malgré mes années ici, la douleur et la peur, j'ai l'espoir. Malgré les nuits à pleurer en me griffant la poitrine pour atteindre mon coeur, j'ai l'espoir. Un jour, je n'aurais plus à faire ça. Je pourrais etre autre chose.Il me l'a dit

L'évangile selon Kurt. [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant