Chapitre II│La naissance d'une amitié.

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Quand Calvin se réveilla, il se sentit encore plus mal qu'à la veille.

En classe, il était ailleurs, un peu comme dans les nuages. Il pensait à quoi pouvait ressembler le paradis, sûrement au visage de sa mère. Cette pensée le fit sourire, mais il voyait qu'il était observé par un garçon avec des lunettes qui détourna tout de suite les yeux quand il croisa son regard.

Ce garçon s'appelait Loïc Robins, un nouveau. Il était de taille moyenne avec la peau noire et la coupe de Will Smith sans oublier des lunettes rondes qui lui donnaient un air geek. En apparence, il n'avait rien de spécial. Calvin le trouva vachement bizarre avant de se replonger dans ses pensées.

Mais pendant la pause à la cafétéria, Loïc, le garçon bizarre, osa s'approcher de l'adolescent quand celui-ci était tout seul. Calvin n'avait pas – ou plutôt plus – d'amis. Il se sentait vraiment mis à l'écart.

La personne qui l'avait le plus blessé était son ancienne meilleure amie qui s'appelait Nella Shaad. Elle était très belle et avait migré avec sa famille aux États-Unis pour fuir la guerre dans son pays d'origine, l'Iran. Même si Calvin ne lui avait jamais dit, il était amoureux d'elle, mais elle l'avait rayé de sa vie pour la popularité.

— Hé, cette place est libre ? demanda le binoclard d'un ton amical.

— Oui, tu peux te mettre si tu veux.

Une bonne minute passa sans qu'ils ne se parlent, puis Loïc décida de briser la glace.

— Dis-moi ? Pourquoi tu es tout le temps seul ?

— Parce que mes amis m'ont laissé tomber, dit-il sans aucune émotion dans la voix.

— Pourquoi ?

— Parce que j'ai arrêté d'être hypocrite et d'être comme ils voulaient que je sois donc comme ça ne leur plaisait pas, ils m'ont lâché.

— Oh, j'imagine que ça n'a pas dû être facile, affirma Loïc, touché par ces mots.

— À mon tour de te poser aussi une question, répliqua Calvin aussitôt. Pourquoi, parmi tous ces gens à l'école, tu viens ne parler qu'à moi ?

— Tu m'as eu là, souffla le binoclard. Tu vois, depuis que je suis arrivé dans cette petite ville, les gens me paraissent bizarres et quand je t'ai vu toi, je t'ai trouvé vraiment très bizarre.

— Merci d'être honnête, ironisa l'autre, blessé.

— Mais je ne sais pas pourquoi ni comment, il y a quelque chose que j'ai vu en toi par l'expression de ton visage. J'avais envie de te connaître.

Calvin touché et déstabilisé par ces mots ne dit plus rien et le fixa de ses beaux yeux verts, alors Loïc changea de sujet.

— Euh... en fait, moi, c'est Loïc et toi ?

— Calvin ! Ravi de faire ta connaissance.

— "Calvin" ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

— Je n'en sais rien, à part que ma mère voulait me donner ce prénom depuis longtemps avant ma naissance.

— Elle est trop ouf ta mère, se marra Loïc.

Il y eut un moment silencieux puis Calvin dit d'une voix mi-étranglée :

— Ma mère est déjà morte.

Loïc s'étouffa avec sa brique de jus avant de proférer des excuses.

— Ne t'excuse pas, rassura Calvin.

— Et tu sais comment elle est morte ? Sans vouloir être trop indiscret, osa lancer le binoclard.

Il y eut quelques secondes de doutes dans l'esprit de Calvin, puis il décida de lui faire confiance.

— Eh bien, commença l'adolescent, ma mère avait toujours adoré les enfants et après m'avoir eu, elle en voulait d'autres naturellement, mais elle n'était plus capable de concevoir et elle faisait que des fausses couches. Elle ne voulait pas regarder la vérité en face et continua d'essayer jusqu'à ce qu'elle fasse une autre fausse couche suivie d'une hémorragie interne... Elle nous a quittés, il y a trois ans mon père et moi.

Il avait vraiment mis tout son regret dans cette dernière phrase.

— Je suis vraiment désolé.

— Ne t'excuse pas, ce n'est pas de ta faute.

— Je sais, mais moi à ta place, je ne serai pas aussi fort. Je ne peux pas vivre sans ma mère.

— Je peux dire que je n'ai pas eu le choix.

Loïc le trouva très vrai et la décision qu'il avait prise avant de venir lui parler venait de se solidifier.

— C'est vrai que ça va te paraître bizarre, mais tu ne voudrais pas qu'on soit amis ? Comme tu n'en as plus et que moi, je suis nouveau.

— Euh... laisse-moi réfléchir. C'est bon, je rigole. Oui, on peut devenir amis.

De retour chez lui, Calvin était tout content parce que pour la première fois de l'année, il avait passé une bonne journée à l'école. Mais quand il croisa son père, il faillit ne pas le reconnaître. Il était devenu tout gris avec une barbe de motard, les habits tout froissés et une bouteille de whisky à la main.

Cette fois était celle de trop. Calvin entra dans une grosse colère. Son père n'avait pas le droit de se comporter de la sorte. Même si Calvin restait l'enfant, il n'admettait pas ce genre de bêtise.

— Mais qu'est-ce qui ne va pas dans ta tête ? Pourquoi tu fais ça ? tonna le garçon.

Il eut pour seule réponse, le ricanement de son paternel.

— Mais tu es ivre et tu pues la cigarette. Qu'est-ce qui te prend enfin ?!

Son père le regarda et bredouilla :

— Bon... jour monsieur. Qui... êtes-vouuuuus ?

C'était la goutte qui fit déborder le vase. Calvin monta dans la chambre de son père sous le regard ahuri de ce dernier. Quand il ouvrit la porte, il resta sous le choc. Il vit son lit en pagaille avec quelques emballages de préservatifs au sol, des bouteilles de whisky vides, des mégots de cigarette et quelques seringues de drogue.

Quand il vit ça, il avait les larmes aux yeux. Il claqua très fort la porte. Son père sursauta, toujours adossé sur le mur, presque endormi, puis il balbutia :

— Oooh... Oh ! Leslie, Lesl... Leslie, où es-tu ?

Calvin plein de rage lui répondit :

— Crève ! Vieux fou.

Puis il partit s'enfermer dans sa chambre où il cassa tout sur son passage avant de se calmer et de sombrer dans un sommeil lourd et sans rêve.

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