Je ne vois absolument rien dans cette sinistre salle. J'entends juste le cliquetis de la ceinture de l'homme et ce dernier commence instantanément à me toucher partout. J'essaie de me protéger, mais tout passe si vite.
Il a une main sur ma bouche pour m'empêcher de crier et l'autre sur mon corps. Je lutte désespérément. Il continue à grogner et à prendre du plaisir pendant que moi, je pleure et prie pour qu'il arrête. J'ai eu horriblement mal lors de cet acte. Il a continué jusqu'à ce que je m'évanouisse.
Il m'a violé.
À mon réveil, à l'extérieur, je suis allongé au sol au milieu d'une rangée de cadavres sous le soleil de midi. Je suis brisé et je ne sais plus si je rêve ou que je suis mort moi aussi. Je cligne plusieurs fois des yeux et peine à les garder ouverts. J'ai mal et je saigne sous le soleil qui me brûle. Je suis faible et j'ai terriblement soif. De pression, je perds connaissance une seconde fois.
Quand je me réveille cette fois-ci, c'est la nuit. Je suis toujours à l'extérieur avec tous les cadavres qui commencent à puer. Je crois que ces monstres voulaient nous faire sécher ou quelque chose de la sorte. Je recommence à trembler, mais de froid. Je me sens sale, stupide et perdu. Je me mentirais à moi-même, si je disais que l'envie de mourir ne m'a pas effleuré.
Je reste là à regarder le ciel étoilé. Mon corps est glacé, mais je ne ressens graduellement plus rien et à chaque fois que je repense à mon viol, je lutte pour ne pas exploser de rage ; en même temps je me sens tout petit et tout seul. J'ai tellement mal partout. De me voir ainsi, me fait céder en larmes.
— Papa... je suis tellement désolé de... de ne pas avoir été un bon fils. S'il te plaît pardonne moi, je... ne t'abandonnerai plus jamais. Plus jamais, je m'en irais en te laissant loin derrière... Je te le jure, bégayé-je la gorge sèche.
Je fais tellement pitié. Tout cela est entièrement de ma faute. Si je n'avais pas été égoïste et que j'avais fait l'effort de comprendre sa situation, rien ne serait arrivé. Je ne veux plus jamais le voir souffrir.
Je dois rectifier le mire.
Je trouve la force de me relever, non sans peine, malgré la douleur et le sang séché. Je titube jusque devant une cuisine. Elle est vide et les lumières sont éteintes, alors j'ouvre tout doucement la porte. Je me faufile et me glisse sous une table d'où je peux voir l'heure – trois heures du matin –. À côté, il y a une carte de voyage où il est inscrit "Columbia airlines".
Pendant que je commence à me rendre vraiment compte de l'endroit où je suis, j'entends une conversation entre deux hommes. Ils parlent en espagnol puis l'un s'énerve et rétorque dans ma langue avec un accent prononcé.
— Non, ce n'était pas ce qu'on avait convenu. Il me faut cent kilos de viande pour ce week-end, dit la première voix.
— Oui, je sais monsieur. On n'a pas reçu la livraison prévue, répond l'autre avec un grain de soumission dans la sienne.
— Je m'en fous ! Trouvez un moyen !
— D'accord, je vous promets que vous aurez votre commande prête pour ce week-end. Sans faute.
— C'est bon, vous aurez votre argent à la fin de ce mois.
Après leur accord, les deux hommes sortent de la salle. Je retiens ma respiration pour qu'ils ne m'entendent pas et heureusement ils passent sans m'apercevoir. Le fait d'imaginer leurs visages déformés de colère en sachant que leur « marchandise » les espionne m'a donné des frissons dans la colonne vertébrale. Je sors quelques minutes plus tard pour trouver un autre endroit où me cacher parce qu'il commence déjà à faire jour.
C'est une base en plein milieu de la forêt amazonienne entourée de grilles et de fils barbelés. Des camionnettes par-ci, par-là patrouillent toutes les heures sans oublier les caméras de surveillance suspendues un peu partout. Cet endroit est carrément coupé du monde. Je n'ai vu aucun chemin ou sentier permettant l'entrée et la sortie des véhicules. On dirait juste que tout ici est tombé du ciel. Sûrement que personne ne connait l'existence de ce lieu à part ces assassins et leurs clients détraqués.
J'entre avec dégoût dans une voiture abandonnée dans laquelle il y a plein de poussière et de toiles d'araignée. Je me plie et me cache sous la banquette arrière pour que personne ne me voie. J'entends automatiquement des cris et des pleurs. J'espère juste que personne n'ait remarqué mon absence dans les rangs.
J'essaie de temps en temps de me lever pour analyser la situation, mais je me rends rapidement compte qu'il y a trop de gens ce jour-là et cela est sûrement dû à la commande colossale de l'homme de la veille.
J'ai effroyablement soif et je manque presque d'air dans ce véhicule poussiéreux où il y a une fenêtre à peine baissée qui laisse entrer peu d'oxygène. Je donnerai n'importe quoi pour de l'eau.
Je suis en plein milieu de la Colombie où ma maison est à des milliers de kilomètres. Personne ne sait que je suis ici. Je ne sais pas par où est la sortie et même si je la trouvais, rien ne me garantit que ces gens ne se mettraient pas à ma poursuite. De surcroît, il y a une jungle dense et infesté de bête nuisible qui se dresse face à moi.
Je suis à deux doigts de craquer, mais je me suis calmé à temps. Je peux faire n'importe quoi pour revoir mon père et lui présenter mes excuses. Même s'il faut que je perde un bras, l'important est que je reste en vie au moins pour lui. Plus que déterminé, je me creuse la tête pour trouver une sortie.
En pensant aux limites du camp, je m'illustre les grillages. Au-dessus il y a bien sûr des fils barbelés, mais il me suffit de sauter la barrière pour que je me batte avec les branches d'arbres pendantes et que je m'enfuis le plus loin possible. Je sais très bien que mon plan a de minces chances de réussir, mais s'il faut que je meure, je préfère que ça soit inévitablement au lieu de finir étouffé dans cette vieille carriole comme les mouches desséchées parsemées autour de moi.
Mon plan tout entier est d'attendre l'heure où tout le camp sera endormi et d'être sûr que je ne suis pas dans l'angle des caméras de surveillance. Je dois attendre le dernier tour de patrouille pour foncer vers la barrière la plus proche. Je tremble rien que d'y penser. Je crois que j'ai la peur de ma vie. Si je me fais attraper, je suis mort, mais je le serai quand même si je reste là. Donc il faut être prêt à tout pour sortir d'ici.
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AMAZÔNIA
Mystery / ThrillerJack Hamilton, un quadragénaire brisé et solitaire, devenu l'ombre de lui-même, essaie de joindre les deux bouts depuis la mort prématurée de sa femme, tout en élevant seul son fils de quatorze ans prénommé Calvin. Ce jeune adolescent insouciant, im...