Chapitre XIV│Le jaguar.

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Point de vue de Calvin

Le jour suivant, quand je me réveille, j'ai toujours mal, mais je m'habitue à la douleur. Je me relève difficilement et avance à pas moribond. Quelques mètres plus loin, je vois des perroquets de toutes les couleurs, perchés dans les arbres. Ils sont vraiment magnifiques.

J'ai toujours vécu en ville et donc je ne voyais ces animaux qu'à la télé. Je me surprends à sourire et continue ma route. J'ai faim, vraiment faim et je suis épuisé. Au bout de cinq minutes, je m'assois et d'emblée, je vois des fruits pourris au sol. Je regarde au-dessus et vois de la grenadille. Je veux grimper, poussé par la faim, mais je tombe sur les fesses.

Aïe.

Cette chute a un peu rouvert mes blessures, mais je ne me démoralise pas et grimpe encore, déterminé et je cueille autant de fruits que possible puis les mange – c'est si bon –. J'ai mangé tout et mes idées se sont remises en place.

Bon, Calvin ! Tout ce que tu sais, c'est que tu es en Colombie et en plein milieu de la forêt amazonienne alors il faut juste que tu te rapproches du fleuve pour trouver un village ou un port dans les environs. C'est simple – enfin, je crois.

Je compte mes balles. Il m'en reste cinq, qu'il faut que je m'en serve pour me protéger. Allez en route. Je me dirige jusqu'à une pente en cherchant ce foutu fleuve. L'air commence à se refroidir – signe qu'il y a de l'eau à proximité –, mais je glisse et tombe de la pente qui débouche dans des rapides.

L'Amazone.

Je suis dans le bras du fleuve et je vois d'ici où les rapides m'emportent, vers une cascade. Je commence à paniquer tant que j'oublie comment nager. Je crois que je vais me noyer. Je ne contrôle plus rien. Je vois une branche qui pend au-dessus de l'eau. Je veux m'y agripper, mais elle se casse sous mon poids. J'ai vraiment peur et le grondement de l'eau qui s'écrase à plusieurs mètres plus bas me fait sentir tout petit. Je sens mes forces m'abandonner.

Je vois une petite plage en contrebas. Je nage avec toute la volonté du monde vers celle-ci. Je parviens à m'échouer sur cette plage de pierres en crachant mes poumons. Moi qui cherchais l'Amazone, c'est lui qui est venu à moi. Je suis vidé et à bout de souffle. Je n'ai même plus la force de me relever. Je décide de rester là pour la nuit et de continuer le lendemain, mais ça s'avère être une mauvaise idée.

Je suis plongé dans un sommeil léger quand j'entends quelque chose bouger dans les feuilles. Je me réveille directement. Une sorte de grognement parvient à mes oreilles et mon sang ne fait qu'un tour. Je regarde partout autour de moi, mais je ne vois rien avec l'obscurité.

C'est un mauvais présage. Je serre le fusil et me lève doucement pour dégager de là en vitesse, mais pas même une seconde après, une masse se jette à toute vitesse sur moi et me renverse de tout son poids. C'est un jaguar. Il vient de planter ses crocs dans ma jambe.

Ma voix est étranglée. Je ne sais pas s'il faut crier à l'aide ou autre chose. J'ai l'impression que la scène se passe au ralenti. Il secoue ma jambe dans tous les sens et une partie de ma chair commence à se détacher. Je vois le sang giclé comme d'une fontaine.

Je prends le fusil et le pointe sur l'animal, mais la bête délaisse ma jambe pour s'attaquer à mon cou. Je lâche sur le coup le fusil et place mon bras devant mon visage pour me protéger, mais c'est à ce membre qu'il s'attaque cette fois-ci. Je ne sais plus à quoi penser et c'est ce qui me fait le plus peur. Ce moment qui me semble duré toute une vie me pétrifie.

Il n'y a personne pour me sauver de ce félin surpuissant. Il me dévore vivant. Je ferme les yeux et j'ai un déclic. En une demi-seconde, je ressaisis l'arme de mon bras libre, je le presse sur la bête et tire une seule balle. Le jaguar est projeté à plus d'un mètre de moi.

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